Ceux qui viennent sur ce blog m'ont parfois vue mentionner mes problèmes visuels... J'ai enfin décidé d'en parler, parce que ça vaut le détour, il faut dire...
Je suis née dotée d'une vue réduite à un cinquantième de dioptrie en tout et pour tout. J'ai perdu l'œil gauche à cause d'un décollement de rétine précoce non diagnostiqué à temps, et le droit a été pendant des années doté d'une myopie qui battait une sorte de record, avec son 1/50° de vision.
Pour corriger ça, je portais de vrais culs de bouteilles de plus d'un centimètre d'épaisseur sur le nez et je parvenais, grâce à eux, à un triomphal 8/10 en deçà de 30 cm, et 4/10 au-delà !
Évidemment, tout ça, sans relief ni vision nocturne !
Mais le must, dans tout ça, c'est que ma rétine restante voulait tranquillement se faire la fille de l'air, et qu'elle n'a rien trouvé de mieux que de tenter le coup plusieurs fois... En 1980, j'ai eu droit à ma première intervention au laser, où on m'avait recollé toute la périphérie de la rétine.
Je pensais être à peu près tranquille pour nombre d'années, mais quelques années plus tard, il a fallu resserrer le cercle de laser car ça menaçait de péter à nouveau en deçà de la zone traitée...
Comme je suis amblyope, à l'origine, j'ai en quelque sorte hérité d'yeux plus vieux que moi. Et en 2001, ça n'a pas été l'odyssée de l'espace ou de l'espèce, mais celle du cristallin ! Comme les personnes âgées, j'ai fait une cataracte. L'ophtalmologue que je voyais depuis toujours hésitait à soigner mon oeil unique, mais qu'on soigne ou non, je risquais de toute façon, de devenir aveugle...
On a donc changé d'ophtalmologue, et là, on m'a greffé un cristallin artificiel qui a mené ma vue à 12/10 de près et 10/10 de loin, seule une petite paires de lunettes à verres progressifs m'apportait la focale qui me manquait désormais.
Ça aurait pu s'arrêter là, sans ma rétine rebelle qui s'est remise à faire des siennes en 2006.
Suite à une bronchite asthmatiforme, je me suis retrouvée nantie d'une déchirure de la rétine... Contrairement aux fois précédentes, je n'ai pas été alertée par des éclairs ou des phosphènes quand je remuais ou penchais la tête... Par contre, je croyais avoir, suite à la fièvre, un larmoiement permanent de l'œil, et je voyais très mal quand j'ai repris le travail...
Et là, quelque chose d'étonnant s'est produit... Ma chef, Catherine, m'a dit d'aller aux Quinze-Vingts. Ce que j'ai fait.
Aux urgences, on a suturé le pourtour de la déchirure rétinienne, et ensuite, on a programmé des visites de contrôle. Pour dire si ça devait être grave, on m'a faite passer entre les mains de plusieurs médecins avant que j'atterrisse entre celles du chef du service, qui a renforcé, d'un laser habile, ce qui avait été fait... Et programmé une opération de fous...
C'était la veille de la Sainte Catherine.
Quelques temps après, Frédou, ma copine bretonne adorable, m'a parlé de Catherine Labouré, qui avait effectué plusieurs guérisons miraculeuses... Si ça ne fait pas du bien, ça ne peut pas faire de mal non plus, et j'ai découvert quelque chose d'extraordinaire. Une religieuse morte depuis plus de cent ans dont le corps, non corrompu, est exposé dans un cercueil de verre, semblant dormir paisiblement pour l'éternité. On dirait qu'elle va se réveiller d'un moment à l'autre, et nous saluer gentiment, Catherine !
A la visite de contrôle suite à cette opération, Frédou m'avait accompagnée pour me guider, parce qu'avec les gouttes qu'on me mettait, je n'y voyais plus rien... A la sortie de l'hôpital des Quinze-Vingts, se trouvaient les ambulances Sainte-Catherine ! Coïncidence ?
Bref, toujours est-il que je me suis raccrochée à cette folle coïncidence, à ces signes peut-être divins qui me confortaient dans le fait que la science peut aussi faire des miracles.
Pour m'éviter de nouvelles déchirures rétiniennes, on m'a carrément corseté l'œil avec des petits tampons de silicone de façon à le resserrer et qu'il y ait moins de tensions sur la rétine. On appelle ça un cerclage rétinien.
Et pour être bien sûr que ça tiendrait mieux, quelques mois plus tard, on m'a refait un périphérique rétinien au laser, resserrant un peu plus le cercle de la suture...
Après tout ceci, et cette épée de Damoclès de la cécité qui me pend au-dessus de la tête, j'ai toujours comme une sorte de mousseline flottante dans l'œil qui me gène en permanence, et pour y voir correctement, je suis obligée de viser un peu... C'est le vitré de l'œil qui, suite à la déchirure rétinienne est resté quelque peu troublé. J'ai aussi un petit glaucome qu'on a diagnostiqué depuis mon opération de la cataracte... Tous les soirs, il a droit à sa petite goutte... Et le traitement est efficace, car la tension oculaire est normale.
Il y a quand même des fois où j'ai de belles angoisses, et où je me fais l'effet de Michel Strogoff, dans le camp des Tartares, quand Ogareff lui disait, avant de lui brûler les yeux :"Regarde de tous tes yeux, regarde !"! Alors, je regarde de tous mes yeux, ou plutôt de celui qui me reste, même s'il est bien abîmé, et je tente de profiter le plus possible de la vie et de sa beauté tant que je la vois encore.
J'ai quand même foi dans la science et je suis sûre que d'ici dix ans, on pourra cultiver des cellules-souches de manière à créer des tissus nerveux dont des rétines et les greffer sans risques de rejet. Même si parfois cette situation m'angoisse un peu, je me dis que ça pourrait être pire. Aux États-Unis, je serais sûrement aveugle depuis des années, car trop pauvre pour me faire soigner décemment...
On devient philosophe, avec des trucs pareils...
Et encore, l'histoire de Mimi est encore plus tordue et gratinée que la mienne, parce qu'elle, niveau yeux, elle a sa dose, aussi !!!
C'est son exemple courageux qui m'a incitée à continuer vaille que vaille, malgré tout, et je ne la remercierai jamais assez pour ça, et être ce qu'elle est.
Alors, je dois un grand merci à Mimi, Catherine (s), Frédou, l'équipe médicale des Quinze-Vingts, celle de la Clinique Pyrénées Bigorre, la science, Ce Qui Est Au-Dessus de nous, Qui a permis que de telles choses puissent exister, et merci enfin à la vie qui me fait vivre des expériences bizarres mais enrichissantes, en fin de compte !