dimanche 27 février 2011

Le truc en plumes de Néanderthal.

Neanderthals were fashionable in feathers - Technology & science - Science - LiveScience - msnbc.com
Illustration tirée de l'article en lien ci-dessus.
L'article, ci-dessus, en anglais, relate la récente découverte, dans le nord de l'Italie de vestiges qui laissent entendre que les Néanderthaliens, il y a 44 000 ans, donc bien avant l'arrivée de sapiens dans le coin, utilisaient des plumes d'oiseaux tels que les palombes, les gypaètes barbus, les aigles et faucons, les plumes de corneilles, aussi, à des fins ornementales ou rituelles. On a découvert dans cette grotte un nombre impressionnant d'ossements de ces oiseaux qui portent les traces d'outils en silex, or, en dehors de la palombe, les autres oiseaux, charognards et rapaces, ne doivent pas être bien terribles à manger... Sont-ils même comestibles ? Bref, toujours est-il, en revanche, que ces oiseaux sont dotés de grandes plumes souvent très jolies, de coloris fauves, gris-bleu iridescent, noir ou blanc, qui ont permis aux Néanderthaliens de créer leurs décorations ou parures. Voilà une preuve de plus que cet homme-là avait lui aussi le goût du beau et une créativité artistique certaine !
L'illustration incluse dans l'article et reprise ici confère, du coup, à notre cher ami robuste, une allure proche de celle d'un Amérindien... Alors, Néanderthalien et Indien, comme je l'ai mis sur Facebook, ça rime ! Hugh !!! 
Et si c'était lui l'auteur des dessins de la Grotte Chauvet ??? Ça leur ferait drôle, aux savants, ça, tout de même, si on pouvait le prouver !!!    

mercredi 16 février 2011

Une spécialiste de Néandertal "pessimiste sur notre avenir" | Rue89

Merci un milliard de fois, au moins, Mimi, de m'avoir signalé cet article somptueux en lien ci-dessus et reproduit in extenso ci-dessous !!! Et merci aussi Rue 89 pour avoir interviewé Marylène Patou-Mathis qui, outre être une éminente scientifique, est une femme tout simplement remarquable !

Une spécialiste de Néandertal « pessimiste sur notre avenir »

Directrice de recherches au CNRS, responsable de l'unité d'archéozoologie du département préhistoire du Muséum national d'histoire naturelle, et grande spécialiste de l'homme de Néandertal, Marylène Patou-Mathis vient de publier « Le Sauvage et le préhistorique – Miroir de l'homme occidental », dans lequel elle démontre que si ses yeux sont tournés vers le passé, elle ne se désintéresse pas, loin s'en faut, des problématiques contemporaines.
Sur nos ancêtres chasseurs-cueilleurs aussi bien que sur les hommes que nous sommes devenus et que nous devenons, elle pose son regard expert et engagé pour nous raconter avec passion et émotions une histoire : notre Histoire. Entretien.
Rue89 : De quand date la fascination du grand public pour la préhistoire ?
Marylène Patou-Mathis : La question de savoir comment nos ancêtres vivaient est récente.
Au XIXe et au début du XXe, ils ne nous intéressaient pas. On les considérait comme des singes, des non-civilisés, des sauvages.
Je situerai cet engouement après la Seconde Guerre mondiale. Les massacres au nom de la race pure ont notamment beaucoup marqué les esprits, les questions des origines et d'identité ont suscité cet intérêt qui n'a cessé d'augmenter. Aujourd'hui, il est très fort.
Pourquoi l'intérêt pour cette période croît-il aujourd'hui ? 
ll y a une quête de sens, en Occident du moins, car je pense que la vision des Orientaux est différente. Mais nous, Américains et Européens, ne savons plus très bien qui on est, où on va, ce qu'on va faire. Et il me semble qu'on fait nôtre, sans le savoir, ce vieux proverbe africain qui dit :
« Quand tu ne sais plus où tu vas. Tu t'arrêtes. Tu te retournes et regardes d'où tu viens. »
L'avenir fait peur, nous interroge, l'économie et l'environnement, phénomènes que nous ne pouvons individuellement (voire collectivement) maîtriser, sont incertains. 
On éprouve aujourd'hui le besoin de trouver un modèle, un idéal. Très étrangement, ce modèle, après avoir fait l'objet d'un rejet total, est non seulement Préhistorique ou Sauvage, avec des majuscules, mais encore plus précis, celui du chasseur-cueilleur nomade.
On ne veut plus être ce qu'on est dans ce monde urbanisé où l'argent et le « toujours plus » dominent, on veut retourner aux sources de l'humain, de l'être et non du paraître.
Raison probable pour laquelle se développe l'ethnotourisme et l'intérêt pour le mode de vie de nos ancêtres et tout particulièrement celui de Néandertal.
Hier considéré comme une brute épaisse, un loser que l'Homo sapiens a supplanté, il est devenu aujourd'hui l'image du « bon sauvage » ; un changement de mythe s'est opéré, le second remplaçant le premier.
Et vous, plus précisément, qu'est-ce qui a vous amené à ce sujet ? 
Je suis géologue de formation, une scientifique. Et j'ai fait de la paléontologie très tôt car toute petite j'étais intriguée par les fossiles d'animaux marins retrouvés au milieu du Bassin parisien. « Il y avait la mer, là ? »
Après ma maîtrise de géologie, je me suis rendue compte qu'en réalité ce qui m'intéressait, c'étaient les relations entre les animaux et les hommes préhistoriques. J'ai donc fait un DEA puis une thèse en préhistoire.
Mon sujet de doctorat portait sur du matériel issu d'un site néandertalien. J'ai donc commencé à travailler sur des ossements d'animaux laissés par Néandertal. Depuis, on ne s'est plus quittés.
A la fin des années 80, on le connaissait encore assez mal, et de surcroît, il était considéré comme archaïque, charognard, cannibale. J'ai voulu, en quelque sorte, lui rendre justice.
Dans le but de faire « parler » ces assemblages osseux, de découvrir, grâce aux marques présentes sur les os des animaux, comment les animaux avaient été chassés ou charognés, découpés, préparés et consommés, j'ai développé de nouvelles méthodes propres à l'archéozoologie du paléolithique, en particulier la taphonomie.
Mon objectif était de retrouver les comportements de subsistance des Néandertaliens. L'animal est important dans la relation qu'il a à l'homme et vice-versa puisque nous sommes partie intégrante du règne animal, de la nature.
Petit à petit, j'ai voulu savoir s'il existait chez les Néandertaliens des comportements régionaux, des traditions culturelles et je suis donc allée de plus en plus vers l'Est, jusqu'en Ouzbékistan et en Sibérie méridionale où je travaille actuellement.
De questionnement en questionnement, on a avancé, jusqu'à cette grande question qui se pose aujourd'hui : que s'est-t-il passé en Europe à l'arrivée des hommes modernes, des Sapiens ? 

En science, « l'absence n'est pas une preuve »

Quels sont vos outils ? Quelle est votre matière première ?
Nous travaillons sur des ossements d'animaux découverts dans des sites préhistoriques qui ont été occupés par des hommes au paléolithique, période précédant celle de la domestication des plantes et des animaux, où l'homme était un prédateur, un chasseur-cueilleur qui vivait des ressources naturelles sauvages.
Nous quadrillons les zones étudiées pour déterminer lors de la fouille dans quelle zone d'activité nous nous trouvons : boucherie, cuisine etc.
Ensuite, en aval, en laboratoire, nous déterminons la nature des os, un fémur ou un os du pied, l'espèce à laquelle ils appartiennent, au renne ou au mammouth…
Enfin, grâce à la taphonomie, à savoir tout ce qui est arrivé à cet os depuis son enfouissement, nous nous assurons que ce matériel osseux est bien dû à l'homme. 
Sur ces os, nous allons regarder les moindres marques, traces de silex, de combustion, de fracturation afin de retrouver les techniques d'acquisition, chasse ou charognage, ainsi que les gestes du boucher paléolithique. On s'aperçoit ainsi que, très tôt, on a des chaînes opératoires de découpe des proies, des enchaînements de gestes précis afin de récupérer le maximum d'éléments. On s'est aperçus aussi qu'on ne découpait pas de la même façon le bison, le cheval ou le renne.
Tout ces actes nous permettent de déduire les capacités cognitives de ces hommes, leurs capacités cérébrales. Mais aussi, que Néandertal était un grand chasseur. Par exemple, l'un de ses gibiers préférés était le cheval, sauvage bien sûr, puisqu'il n'y a à cette époque que des animaux sauvages. Or, capturer un cheval est très difficile. C'est un animal craintif dont l'ouïe et l'odorat sont très développés et qui en plus court très vite.
Pour compenser son armement très rudimentaire – pieux ou lance avec des pointes, en silex ou en os, emmanchées – Néandertal disposait d'une anatomie adaptée. Il était petit, trapu, massif et très musclé (en moyenne, 90 kg et 1,65 m pour les hommes et 70 kg et 1,55 m pour les femmes) et avait en outre la particularité, de pouvoir effectuer une grande rotation de son épaule, de sorte que son bras pouvait aller beaucoup plus en arrière que celui de l'homme moderne. Il pouvait donc lancer ses projectiles avec beaucoup de force et de vitesse. Ainsi, nul besoin de propulseur. Il l'avait intégré dans le bras, aptitude que mes collègues anthropologues ont mise en évidence.
 On parvient également, en étudiant les insertions musculaires, à savoir que certains lançaient avec le bras droit et d'autres avec le gauche, ce qui signifie que les hémisphères cérébraux étaient déjà identifiés. C'est tout ce que j'ai voulu montrer en écrivant « Néandertal, une autre humanité ».
Dans les animaux qu'il chassait, Néandertal exploitait tout ? 
Oui même si, excepté les derniers Néandertaliens, il ne va pas, comme Cro-Magnon (l'homme moderne) utiliser les ossements, les bois ou les dents pour confectionner des parures ou des armes ou bien encore des objets d'art mobilier.
Néanmoins, je vais vous énoncer cette règle que tout scientifique doit avoir en mémoire :
« L'absence n'est pas une preuve, et encore moins la preuve de l'absence. »
Je peux dire que les Magdaléniens (entre -17 000 ans et -10 000 avant notre ère) ont peint Lascaux, mais je ne peux pas affirmer que les Néandertaliens n'ont pas peint leurs corps, les écorces ou les peaux puisque ces éléments, organiques donc non fossilisés, ne sont plus là pour qu'on en juge.
D'ailleurs, certains Aborigènes ne peignaient que sur des écorces, des Sioux que sur des peaux de bison et des peuples africains se tatouent et se scarifient. Impossible donc de savoir, jusqu'à aujourd'hui, si Néandertal se livrait à ces arts ou pas.
Par contre, il enterrait ses morts et collectait des objets naturels (fossiles, minéraux) non utilitaires. Il avaient donc des pensées symboliques ou métaphysiques.

« La préhistoire, une science pluridisciplinaire »

La science dure prend beaucoup de place dans vos disciplines, faut-il être chimiste, géologue ou généticien pour être un bon préhistorien ?
Je ne le crois pas. La préhistoire est une science pluridisciplinaire qui comporte différentes spécialistes :
  • les paléoanthropologues étudient les restes humains ;
  • les palynologues, les pollens ;
  • les sédimentologues, les sédiments ;
  • les « dateurs » fournissent les datations ;
  • les archéozoologues, dont je fais partie, se penchent sur les restes d'animaux…
C'est ce qui est intéressant sur un site archéologique, on confronte nos résultats et on les discute, ainsi les hypothèses formulées sont, à mon sens, plus plausibles que celles émises par une seule discipline.
En ce moment, je trouve un peu énervant cette accumulation de découvertes toutes plus extraordinaire, dit-on, les unes que les autres.
  • Huit dents trouvées en Israël… et on en déduit que les premiers Sapiens, apparus il y a 400 000 ans, étaient « israéliens » ;
  • le « Dieu génétique » fait parler une petite phalange… et, on croit avoir découvert un troisième type humain ;
  • on fait trois analyses sur quelques dents néandertaliennes et on s'émerveille : « Ils étaient végétariens ! »
Evidemment qu'ils mangeaient des végétaux ! Quand on tire des conclusions à partir d'une seule spécialité, sans les confronter aux autres, on n'obtient que des données parcellaires. 

« En recherche, le doute doit être permanent »

Sur votre site, en Ouzbékistan, vous travaillez sur quoi ?
Nous sommes notamment en quête de cette transition entre Néandertal et les premiers Sapiens en Europe.
Dans le site d'Obi-Rakmat, daté entre 60 000 et 50 000 ans, on a découvert un type d'industrie particulier, qui ne correspond ni à celui des Néandertaliens, ni à celui des premiers hommes modernes, si ce n'est à celui qu'on trouve plus tard, dans la phase de transition, entre 43 000 et 36 000 ans, en Europe plus occidentale.
De leur côté, les paléoanthropologues américains ont conclu que les dents exhumées sont plutôt néandertaliennes, et la calotte crânienne plutôt Sapiens. Les généticiens ont prouvé l'an dernier qu'il y avait entre 1% et 4% de gènes néandertaliens chez les Eurasiatiques actuels et que le croisement entre des Néandertaliens et des Sapiens avait eu lieu, il y a 50 ou 60 000 ans, probablement en Anatolie.
Cet ensemble de données nous amène à réfléchir sur les vagues de peuplement et à formuler de nouvelles hypothèses ; des Sapiens, peut-être porteurs de plus de gènes néandertaliens, auraient migré, il y a 50 000 ou 60 000 ans, vers l'Est, et plus tard, vers 45 000 ans, d'autres, moins hybrides, pris la direction des Balkans.
Ce qui est passionnant dans notre métier, c'est qu'une découverte peut susciter un nouveau questionnement ; en recherche, le doute doit être permanent. En ce sens, notre discipline est à rapprocher du travail des astrophysiciens sur les origines de l'univers. Rien n'est fixé ou linéaire, l'évolution humaine est buissonnante, tant d'un point de vue biologique que culturelle. L'Histoire est faite d'allers et retours.

« Mon rêve serait de trouver un homme fossile »

Cherchez-vous des choses précises aujourd'hui ?
On ne va pas fouiller n'importe où, n'importe comment, on a des questions, des problématiques. En ce moment, je m'interroge sur l'artisan qui est à l'origine des premières industries dites de type moderne (Aurignacien ancien) en Europe orientale : Néandertal ou Sapiens ?
Pour tenter de répondre à cette question, je dois travailler sur des sites préhistoriques comportant des strates datant de cette période. Le temps du paysan qui vous appelle parce qu'il a trouvé un biface dans son champ est révolu.
Quelle découverte vous ravirait aujourd'hui ?
J'ai un rêve. Aujourd'hui, je travaille avec Bernard Buigues sur le programme des mammouths congelés découverts en Sibérie.
Son idée est formidable : sauver, préserver les mammouths qui, avec le réchauffement climatique qui entraîne la fonte du permafrost [ou pergélisol, ndlr], sont de plus en plus nombreux à sortir de terre et risquent donc de s'abîmer. 
Mon rêve, même si j'aime beaucoup les mammouths, serait de trouver un homme fossile. Je préfèrerais bien sûr que ce soit un Néandertalien, mais même un Sapiens. Je serais alors très émue de le contempler « en entier ».
Nous sommes frustrés car nous n'avons que leur squelette. Vous imaginez, on pourrait voir : sa peau, ses yeux, ses cheveux, d'éventuels tatouages ou scarifications, l'intérieur de son corps, notamment le cerveau, et reconstituer son génome grâce à son ADN, tant mitochondrial (origine maternelle) que nucléaire (origine paternel) bien conservé. Ce serait fabuleux !
On a certes trouvé un corps en Autriche, mais il est bien trop jeune pour nous… (Rires).

Clonage et syndrôme « Jurassic Park »

Que pensez-vous de l'initiative japonaise qui consiste à cloner un mammouth ? 

J'y suis opposée. Je me suis d'ailleurs gentiment accrochée avec Yves Coppens sur la question. Je ne vois pas l'utilité de cette initiative qui ne donnerait vie, éventuellement, qu'à un faux mammouth puisqu'il serait à moitié éléphant.
En outre, je trouve quelque peu cynique le fait qu'elle émane des Japonais. Vouloir redonner vie à une espèce disparue quand on contribue autant à l'extinction du plus grand mammifère actuel, en l'occurrence, la baleine… C'est ainsi, je fais partie de ces insupportables qui ne sont pas que des scientifiques, mais aussi des citoyens.
Certains sont allés plus loin, ils ont voulu cloner Néandertal ! Il ne manquait plus que ça. Quel intérêt ? Pour moi, c'est un humain, une question d'éthique. Ces projets relève du syndrome « Jurassic Park ». Ce n'est pas sérieux. 

Touarges et Bushmen : pas des « curiosités »

Cette réflexion citoyenne que vous menez se retrouve tout particulièrement dans votre dernier ouvrage…
J'ai eu la chance de vivre auprès de peuples aux modes de vie différents des nôtres. J'ai passé du temps, lorsque j'étais jeune, avec les Touaregs et plus tard, j'ai effectué un séjour beaucoup plus long au Botswana, parmi les San (Bushmen), peuple de chasseurs-cueilleurs du Kalahari.
Je ne voulais pas aller les observer comme des curiosités (des préhistoriques), mais avec la volonté de m'ouvrir l'esprit, de comprendre leurs comportements de chasseurs, de cueilleurs, bref, de subsistance. Ça a été formidable.
J'ai ressenti beaucoup de choses, vécu de fortes émotions, et compris qu'en préhistoire on formulait, à ce sujet, beaucoup d'hypothèses farfelues. J'ai fini par me passionner pour tous ces peuples de tradition orale qui ont une richesse de connaissance et de savoir-faire phénoménale dans leur domaine, les plantes, les animaux, la nature, mais aussi l'imaginaire.
Je me suis lancée dans la lecture d'ouvrages d'ethnographie en menant en parallèle ma carrière de préhistorienne. Et au bout d'un moment, je me suis rendue compte que, du point de vue des Occidentaux, les mêmes paradigmes valaient pour le sauvage et le préhistorique.

Classifier le vivant, oui ; le hiérarchiser, non

Quand le sauvage et le préhistorique se croisent-ils ?
Le premier apparaît à la fin du XVe siècle, avec les récits de voyage, son image est ambivalente avec d'un côté le cannibale et, de l'autre, le « bon sauvage », mythe qui naît avec les Lumières. 
Le préhistorique, quant à lui, est reconnu, en tant que tel, en 1863, après la célèbre publication de Darwin sur « L'Origine des espèces » parue en 1859. La conséquence est d'importance, le fait que l'on a des ancêtres met un terme à la vision Adamique, selon laquelle on descendait tous des fils de Noé, théorie qui dominait jusque-là.
Dès lors, l'image du préhistorique va se superposer à celle du sauvage, se dévalorisant l'une l'autre. Le sauvage, non-civilisé, devient primitif et le préhistorique, primitif, devient non-civilisé.
Dès la fin XVIIIe siècle, les scientifiques entreprennent de classer les être vivants, notamment ceux du règne animal, classés de l'inférieur au supérieur, l'homme arrivant en dernier, tout en haut de l'échelle.
Au début du XIXe, on va aller plus loin et placer les hommes sur « l'échelle des êtres » avec comme curseur le grand singe. Les sauvages, Bushmen, Aborigènes, vont être placés juste au-dessus des orangs-outans ou des gorilles et, tout en haut, l'homme, pas la femme, et pas n'importe lequel : l'homme blanc civilisé (sous-entendu occidental). 
En 1871, Darwin énonce qu'on descend des singes. Aussitôt, on classe et hiérarchise les hommes fossiles, ils sont placés à leur tour dans l'échelle des êtres.
Mais, pourquoi hiérarchiser ? Classifier pour connaître, oui, bien sûr, mais hiérarchiser, quelle mauvaise idée ! De quel droit peut-on dire qu'une bactérie est moins complexe qu'un escargot quand on sait que les premières sont là depuis des milliards d'années.
Qu'est-ce qui va découler de cette hiérarchisation des espèces ? 
Les théories scientifiques du XIXe sont reprises par certains théoriciens et transformées en idéologies.
De l'échelle des êtres va découler le racialisme, un des fondements, avec la théorie de l'évolution, du Darwinisme social et de l'eugénisme développé par Francis Galton, cousin de Darwin qui, lui, y sera opposé.
Elles permettront également de justifier l'esclavage et la colonisation, sous le fallacieux prétexte que celle-ci apporte la « civilisation » aux peuples colonisés, et donner naissance, entre autres, au mythe aryen.
Surgit dans ce contexte, le deuxième paradigme de cette période, celui du progrès constant et linéaire des cultures qui soutient qu'une nouvelle civilisation est toujours techniquement meilleure que la précédente, a eu des conséquences tout aussi terribles pour les peuples qui ont maintenu leurs traditions ancestrales comme par exemple les Aborigènes d'Australie qui taillaient des outils très proches de ceux confectionnés par Néandertal.
Jugés à l'aune des critères occidentaux, ils furent longtemps considérés comme des « primitifs », des « sous-hommes ». 
Cette vision ne prend en compte, malheureusement aujourd'hui encore, que les produits matériels réalisés par les hommes, alors que l'humain est bien plus complexe avec ses comportements sociaux, symboliques et métaphysiques. Toutes ces idéologies pseudoscientifiques ont provoqué les atrocités que l'on sait.

Le sauvage, des illustrés aux Expos universelles

Comment ces atrocités ont-elles pu se produire ?
Elles ont pu se produire parce que ces idées, émanant des élites, ont été popularisées. Dans mon dernier ouvrage, j'ai essayé de comprendre pourquoi l'altérité n'était toujours pas acceptée.
A mon avis, tout commence au XIXe siècle avec le développement des magazines illustrés qui relatent les récits des explorateurs et des colons qui donnent le plus souvent une image négative du sauvage et de l'indigène, et se poursuit avec les Expositions universelles et coloniales. 
Quand vous exposez dans un même espace des outils préhistoriques et des objets de sauvage, le visiteur aura vite fait de conclure que leurs artisans sont des primitifs non-civilisés.
Avec la guerre de 14-18, le sauvage, qui va se battre dans les tranchées, devient indigène. Cependant, on le considère, toujours comme inférieur, un grand enfant naïf qui parle mal le français : « Y'a bon Banania », comme le souligne une célèbre publicité.
Dans l'imaginaire populaire, il reste quand même quelques peuples sauvages. Pour preuve, ils sont exposés au Jardin d'acclimatation lors de la tristement célèbre Exposition de 1931 où des Kanaks, dont l'arrière grand-père de Christian Karembeu, jouent les cannibales !
Petit à petit, ces idées ont imprégné les esprits, aujourd'hui encore beaucoup continuent à hiérarchiser les humains (notamment en fonction de la couleur de leur peau) et les cultures, notamment en fonction de leur degré de technologie. 
Regardez l'économie, au « toujours plus de progrès » s'est substitué le « toujours plus de croissance ». Mais, ce toujours plus, est-il vraiment bénéfique au bien-être de l'homme ?
Actuellement, la société occidentale est en crise, le système est remis en cause et, phénomène récurrent durant ces périodes, on assiste à des replis identitaires et à la recherche d'un bouc émissaire. Si ça va mal, ce n'est pas de notre faute, mais elle de l'autre !
Qu'est-ce qui vous a amené à toute cette réflexion ?
C'est Néandertal, et les peuples de traditions orales, que l'on voyait comme un autre inférieur. La hiérarchisation m'insupporte. Pour moi, il est différent, point, ni inférieur, ni supérieur. 
Ce qui est amusant, c'est que maintenant, j'assiste à un renversement de tendance, il est devenu pour beaucoup un modèle d'avenir. Ce retour au mythe du bon sauvage, pionnier de l'écologie et du pacifisme, est tout aussi faux que celui d'un être aux allures simiesque, brutal et ignorant. Arrêtons. Il vivait dans la nature, était donc « écologiste », de fait, respectueux, comme tous les peuples chasseurs-cueilleurs, des animaux qui le nourrissaient.
Quand un Bushmen va chasser, avec son arc et ses flèches empoisonnées, il ne va tuer qu'une bête, celle qui va le nourrir, et ne va pas abattre tout un troupeau. Ces peuples traditionnels utilisent des rituels de chasses hérités des temps anciens. On ne tue pas « son frère ». Pour nous, qui sommes « dénaturés », cela ne veut plus rien dire, mais pour eux, qui ont conscience de leur appartenance à la nature, en particulier au règne animal, ce dernier est leur semblable. 
Des lecteurs terminent leur lettre par : « Chère madame, j'espère que j'ai des gènes néandertaliens », phrase qui sous-entend qu'ils n'aiment pas ce que nous sommes devenus. Et c'est bien triste car cela veut dire que nos sociétés, au lieu de crée du bien-être ont engendré un mal-être.
On peut souhaiter que nos rapports à la nature, en particulier à l'animal, change, notamment vis-à-vis de la maltraitance des animaux de boucherie. C'est une question que pose notamment Jonathan Safran Foer dans « Faut-il manger des animaux ? »

« Je suis pessimiste sur l'avenir de l'homme »

Quand on embrasse comme vous des périodes très longues, quand on va chercher loin dans le temps, loin sous la terre, des traces de ce que nous avons été, quel regard porte-on sur notre époque actuelle sur cette Histoire qui semble accélérer ? 
Attention, l'Histoire n'est pas linéaire, elle est faite d'allers et retours. Ce mal-être des Occidentaux, résulte, à mon avis, du fait que nous sommes dans une phase de transition sociétale. C'est une période difficile à vivre car elle est située entre deux types de civilisation.
Au regard de la rapidité des innovations, elle correspond à un changement peut-être aussi important que celui qu'il y a eu entre le paléolithique et le néolithique ou le néolithique et l'industrialisation. Je ne peux vous décrire le monde à venir que je ne le connais pas, d'autant que comme le dit si justement ma fille :
« Tu n'est pas préhistorienne, mais préhistorique… »
Que va nous apporter, selon vous, cette évolution, voire cette révolution ? 
Je suis pessimiste sur l'avenir de l'homme, en particulier de son bien-être. Je pense que cette technologie, cette nouvelle modernité, dans laquelle certains veulent y voir le bonheur de demain et qui a, à n'en pas douter ses côtés positifs – voir le rôle joué par Internet ou les réseaux sociaux dans les récents bouleversements politiques et pro-démocratiques – va de pair, d'un point de vue sociétal et économique avec un retour, comme au XIXe et au début XXe siècle, à la lutte des classes, une lutte, à mon avis perdue d'avance pour celle des prolétaires.
Tout est fait pour que plus personne ne réfléchisse, ne s'interroge sur la véracité de ce qui est véhiculé par les médias.
Ça fait quinze ans que je corrige des copies. Ce sont de jeunes adultes avec un fort bagage intellectuel et culturel. Vous n'imaginez pas la qualité des copies que je corrige. C'est désastreux, mais ce n'est pas de leur faute.
Le problème, c'est l'enseignement qui leur est donné. Aujourd'hui, on veut faire apprendre un peu de tout aux élèves. Par exemple, mes étudiants en master préhistoire doivent faire du juridique. 
Mais pourquoi ?
Le nombre d'heures d'enseignement étant fixé, c'est forcément au détriment d'autres matières, à mes yeux, plus essentielles pour le futur métier. Et je ne vous parle même pas de l'orthographe, de la syntaxe et de la construction de leur mémoire qu'ils doivent rendre. Et ce sont des travaux de bac+5.
Vous imaginez le niveau de tous ceux que le système a rejetés bien avant ? Ils vont former un nouveau prolétariat. Je suis une républicaine convaincue, laïque, notamment parce que c'est l'école de la République qui m'a sauvée.
Du côté maternel, ma famille est d'origine slave, slovaque et magyar : mon grand-père était Hongrois… Jeune, je vivais chez ma grand-mère ouvrière agricole. Dans les années 60, les ouvriers agricoles vivaient comme des serfs. Je suis entrée à l'école directement en primaire, je parlais très mal et en plus j'étais dyslexique. Je n'allais ni au théâtre, ni au cinéma, et je n'avais que peu accès aux livres. Bref, j'avais tout pour échouer dans les études, on n'aurait pas parié un kopeck sur moi. 
Mais grâce aux enseignants que j'ai eus, grâce au temps dont ils disposaient, j'ai pu apprendre, découvrir, m'enrichir. Et aujourd'hui, grâce à eux, je suis directrice de recherche au CNRS.
Aujourd'hui, je me bats pour que les gens comme moi, puissent encore réussir. Hélas, je sens qu'au niveau éducatif et culturel, on est en train de tout déconstruire. Notre société devient une société du paraître, de « l'avoir plus », mais de toute évidence, s'il on en croit les sondages, c'est un leurre, car les individus ne sont pas plus heureux pour ça.
Animal grégaire et sociétal, l'homme trouve le bonheur dans l'échange avec l'autre, proche ou lointain.
Photos et illustrations : l'évolution de l'homme, version geek (DR) ; Marylène Patou-Mathis (site du Muséum national d'histoire naturelle) ; Yves Coppens, en 2008 (Gerbil/Wikimedia Commons) ; Charles Darwin, en 1869 (J. Cameron/Wikimedia Commons) ; l'échelle des êtres, ou scala naturæ, par Didacus Valdes, 1579 (Wikimedia Commons).
En partenariat avec Agents d'entretiens
En partenariat avec Agents d'entretiens
 Le dernier ouvrage de Marylène Patou-Mathis est une vraie réflexion philosophique et scientifique sur la condition humaine, et un remarquable travail d'épistémologiste. Bien écrit, aisé à lire et à comprendre, c'est un vrai plaisir ! Personnellement, je trouve ce bouquin franchement très intéressant, pour ne pas dire génial !

Doux délire inspiré par celui de Mimi #2

Et je vous révèle une seconde partie du délire que Mimi m'a inspiré... La suite des aventures du Pr Limbu en pré-hystérie... 


Communication.
Comme pour confirmer ses dires, le chaman des Néanderthaliens de la fosse vint vers lui, l’invitant à s’asseoir près du petit foyer autour duquel ses amis et lui étaient installés. Le jeune homme, doté d’incroyables yeux mordorés immenses et hypnotiques, prit doucement les mains du préhistorien et les posa sur ses tempes, tandis que lui faisait de même, saisissant la délicate tête du moderne entre ses redoutables battoirs velus et tatoués. Son regard lumineux et fascinant se riva à celui du savant, et celui-ci se sentit partir comme s’il avait fumé ou pris quelque drogue !
«- N’aie pas peur ! Tu ne parles pas notre langue ni nous la tienne. Ceci est le seul moyen pour que tu apprennes ce qui va arriver. Ces Taïa-Araakh Bokhren de Garakoï nous mangeront à la prochaine pleine lune. Soit dans trois mains de jours, à peu près. Car ce que mon frère a tenté de te faire comprendre l’autre jour, c’est que ces immondes sangliers enragés se repaissent de chair humaine ! Ce qui n’est pas du tout notre cas, à nous autres. Nous, nous sommes des Marrakhéïn. Et nous n’avons jamais cherché querelle aux autres tribus, sauf quand nous partons en quête de compagnes ! En général, les tribus veulent garder leurs femmes, alors, comme ils ne veulent pas souvent les échanger avec nous autres, eh bien, nous nous servons de temps en temps… C’est vrai que mon clan a fait une folie il y a six lunes. Ces maudits Garakoï, que Taïa-Araakh les patafiole, et c’est encore trop méchant pour cette pauvre Taïa-Araakh !
- Mais, et c’est qui, Taïa-Araakh ? demanda le savant, stupéfait par cette communication d’esprit à esprit.
- C’est le Méchant Grand Esprit, tout ce qu’il y a de plus mauvais et moche en l’être humain, ça devient elle, et ça vient d’elle ! expliqua le chaman.
- Soit. Mais, pourquoi ces cannibales s’en sont-ils pris à vous autres ?
- J’y arrivais, justement ! Il y a six lunes, donc, mon jeune frère, Noïrak, et son cousin Arak, sont partis pour chercher compagne… Et ils n’ont rien trouvé de mieux que deux Garakoïni, des femmes de cette tribu détestable ! Une fois décrassées et débarrassées de leurs habitudes alimentaire scandaleuses, elles sont plutôt jolies, et mon fou de frère et son non moins fou de cousin étaient tombés sous le charme de deux de ces créatures. Ils les ont donc ramenées dans leur clan, les ont épousées, seulement, les Garakoï semblent tenir à ces femmes, parce qu’il n’y a pas moyen d’être tranquilles depuis ! Ils nous asticotaient plus ou moins déjà, mais là, c’est devenu infernal ! soupira le chaman, sans relâcher son moderne.
- Eh bien ! Comment ont-ils réussi à trouver du charme à des créatures crasseuses comme le sont ces êtres-là ? fit le savant, désignant du regard les répugnants qui les regardaient, ricanants, depuis leur parapet.
- En fait, les femmes de cette tribu chassent comme les hommes. Elles sont même tout aussi redoutables qu’eux. Seulement, là, mon frère et mon cousin sont arrivés au moment où la chasse tournait mal ! Les Garakoï étaient aux prises avec des rennes, et ceux-ci, forcés dans un défilé, ont fini par renverser deux des chasseurs qui leur bloquaient le passage… Les deux chasseurs ont fini par réussir à se dégager à temps avant d’être écrasés par la masse du troupeau paniqué, mais ils étaient blessés. Mon frère et son cousin étaient embusqués près de là, dans la crainte d’être repérés par les cannibales, et ils ont assisté à la suite de la chasse… Les Garakoï ont quand même réussi à tuer plusieurs rennes, et les deux chasseurs blessés traînaient tant bien que mal en queue du groupe chargé de venaison.
C’est alors qu’ils s’avisèrent que ce qu’ils avaient pris pour deux adolescents, de loin, étaient en fait des femmes, et Maïa sait ce qui les a pris à ce moment-là ! Ils ont trouvé qu’elles marchaient gracieusement, ils ont vu sous la crasse des femmes jolies et désirables, et ils ont suivi, de loin, les Garakoï…
Les deux filles suivaient péniblement, appuyées l’une contre l’autre, et elles finirent par être distancées par les chasseurs, pourtant lourdement chargés, eux… L’occasion était trop belle ! Mon cousin et mon frère ont capturé ces deux filles qui, bien que blessées se défendaient comme des lionnes, et ils ont eu bien du mérite à s’en emparer, parce qu’elles étaient féroces ! Mais le prestige de l’homme, chez nous, c’est quand il chasse bien, mais qu’il trouve aussi une femme difficile à conquérir… Mon fou de frère et son non moins fou de cousin allaient devenir des héros remarquables, après cet exploit ! Et ça nous a cher coûté !
Les Garakoï, qui venaient nous harceler de temps en temps et nous voler des biens ainsi que de la nourriture, ont découvert que leurs deux femmes étaient avec mon clan… Et ils nous ont harcelés comme des abeilles un jour d’orage, à tel point que nous avons dû fuir notre territoire et nous cacher bien loin d’ici… Nous étions les derniers à partir, nous autres qui sommes ici, pour protéger les arrières de mon frère, de mon cousin, de leurs compagnes et du reste du clan, dont les enfants et les vieillards, quand ils nous ont capturés enfin, et nous sommes ici depuis la veille du jour où ils t’ont ramené, à toi, toi qui viens de Maïa sait où, parce que je n’ai jamais vu quelqu’un de bâti comme toi à ce jour, et que tu portes des vêtements dans des peaux bien étranges aussi… Et c’est quoi, ces morceaux de glace transparente devant tes yeux, accrochés sur ton nez ? Ça sert à quoi ?
- Puisque tu communiques avec mon esprit, tu peux voir ce qu’il contient, non ? demanda le pertinent moderne.
- En effet, mais nous n’avons pas le droit de pénétrer dans les esprits comme ça ! C’est très intime, les pensées des gens ! Là, je me suis risqué à lancer mes pensées vers toi, parce que je n’avais pas le droit, moralement, de te laisser dans l’ignorance de ce qui allait arriver, mais je ne serais jamais allé plus loin ! Mais puisque tu me le permets, tu vas voir aussi qui nous sommes, nous autres, et qui je suis, moi !».
Fusion mentale.
Les deux hommes, toujours assis face-à-face, leurs mains respectivement posées sur les tempes de l’autre, regards rivés sur les yeux de l’autre, vers un invisible univers en même temps, se tenaient, parfaitement immobiles dans l’air glacial, et le temps cessa d’exister. Sans qu’ils s’en rendissent compte, les autres Marrakhéïn s’étaient approchés d’eux, et ils touchaient tous le chaman, comme pour lui apporter le soutien de leurs propres esprits.
Les pensées de Monsieur Limbu furent doucement effleurées par celles du chaman, et soudain, tout changea.
Il était Zéïlak Réïak Bokhr akhr Soïren Marrakhéïn akhr Goran Altaïn. Il connaissait la course des étoiles, celle des saisons, la vie des bêtes, des plantes et de tout ce que Maïa avait créé. Il avait le savoir des plantes qui nourrissent, qui soignent ou qui tuent. Et les Esprits lui parlaient. Quand il était devenu un jeune homme, il s’était retrouvé dans la Lumière de Maïa, et il en était revenu en étant capable de prévoir l’avenir, de prédire les migrations des bêtes, le temps qu’il ferait, il voyait le mal et savait comment lutter contre lui, et il avait acquis la mémoire de tous les chamans de son peuple depuis qu’il existait !
Monsieur Limbu n’en revenait pas. Les souvenirs qui défilaient devant ses yeux, colorés et intenses comme un film en Cinémascope, THX et en relief ainsi qu’odorama et même sensorama total étaient ceux de cet homme préhistorique qui se tenait devant lui et qui semblait avoir des capacités mentales et intellectuelles remarquables, et même plus que cela ! Car il percevait un esprit profond, intense, imaginatif et créatif, sensible et profondément bon, épris de calme et de paix, un être profondément respectueux du monde où il vivait et qui l’entourait, un homme profondément respectueux des autres et de lui-même, un esprit vif, curieux et profond.
Toute la vie de Zéïlak, dans ses détails les plus intimes et parfois un peu dérangeants lui étaient dévoilés, et il comprenait pourquoi le chaman avait demandé l'autorisation de sonder sa propre âme avant une telle introspection, une telle communication… Et il eut soudain très honte ! Il était sûr que Zéïlak et ses amis savaient à présent dans quel mépris il avait tenu les êtres comme eux, l’image totalement faussée et détestable qu’il s’en était faite. Et il se dit que ce qui lui arrivait était à la fois le couronnement de sa carrière de chercheur, mais aussi son juste châtiment pour n’avoir pas respecté, ou si peu, la mémoire de ces captivants ancêtres qui le fascinaient mais qui le révulsaient aussi finalement !
Il découvrit même que la femme peinte en rouge avait exactement les mêmes dons de chaman que Zéïlak, et qu’elle était sa compagne, ainsi qu’en témoignaient les scènes d’un érotisme brûlant que l’esprit largement ouvert du Néanderthalien lui transmettait sans aucun tabou ni gêne ! Raïaka avait le même âge que le jeune homme et elle était franchement très jolie. Sous sa peinture d’ocre, elle cachait une peau claire, de longs cheveux auburn, et des yeux d’un vert pâle tout à fait extraordinaires. Et il sut aussi pourquoi les Marrakhéïn avaient d’aussi étranges usages à l’endroit des femmes.
Si au départ ces coercitions visaient effectivement à mater des femmes capturées dans d’autres clans et bien souvent rétives à suivre des inconnus, au fur et à mesure des siècles, liens et autres étaient devenus à la fois des protections contre Taïa-Araakh mais aussi entraient dans le cadre d’un véritable tantrisme paléolithique, car la femme dans ses liens était soumise à un désir soigneusement entretenu par un érotisme hallucinant et une potion ou un onguent aphrodisiaques aux effets encore plus redoutables que l’Ecstasy moderne ! Heureusement, l’alcaloïde était sans accoutumance grave, mais la fille qui en prenait faisait mieux en effet d’être liée, car elle aurait très bien pu se prendre pour un oiseau et se jeter du haut d’une falaise ! Les coercitions des anciennes captives lui permettaient de contrôler son mental, son corps, et finalement, tout ce qui l’entourait… Parce que les femmes, sous l’influence de ces rites complexes et de cette drogue, avaient des dons psychiques ahurissants et elles étaient les intermédiaires entre les hommes et Maïa, la Mère de tout ce qui vivait et des Esprits ! Elles communiquaient aussi avec Poï, le Maître des Animaux, et cette communion avec l’Indicible arrivait souvent alors qu’elles faisaient l’amour, entraînant leurs partenaires souvent impressionnés, vers des dimensions autres, insoupçonnables et insoupçonnées ! Chez ces gens, les femmes étaient hautement sacrées, et protégées sévèrement contre tout ce qui aurait pu leur arriver de mauvais… En théorie, du moins, parce que là, il allait leur arriver réellement quelque chose de mauvais !
Les cannibales n’avaient que faire de ces femmes si étrangement traitées, si ce n’était qu’elles leur étaient douces au palais, singulièrement délectables, selon eux !
«- Ne t’inquiète pas… Les cannibales ne nous auront pas ! Maïa et les Esprits nous sauverons avant, même si tu as compris à quel point tu t’étais trompé sur nous, et quelles indignes pensées tu avais sur nous ! transmit soudain une voix mentale qu’il devina féminine et qui devait provenir justement de Raïaka !
- Que vous ayez des dons stupéfiants et une réelle intelligence, soit… Mais les miracles, je n’y crois pas trop ! Je ne croyais même pas en Dieu, moi, chez moi, alors votre monde peuplé d’Esprits et de forces diverses, ça me dépasse totalement ! transmit le savant, à son tour.
- Eh bien, justement, nous allons te prouver que tu as tort ! Viens avec nous !».
Soudain, il se retrouva entraîné hors de son corps, et se découvrit entouré par cinq formes humaines dorées et transparentes, qui étaient les exacts reflets, il le savait, des cinq Néanderthaliens restés avec lui, en bas, dans le trou des Garakoï, et dont il voyait encore les corps plongés en transe, groupés autour de lui et de Zéïlak qui ne l’avait pas lâché, tout comme lui n’avait pas lâché le Néanderthalien. Tous et toutes étaient autour d’eux, et les touchaient légèrement, pour partager leur union mentale, et ils la renforçaient.
La structure différente du cerveau des Néanderthaliens n’atténuait en rien leurs capacités mentales et cognitives, au contraire, elle semblait avoir fait d’eux des psychiques de premier ordre ! Aucun marabout africain, aucun cacique des tribus d’Amazonie ou de l’Altiplano, aucun chaman Sibérien ou Inuit, voire Amérindien, n’aurait atteint cette puissance mentale pourtant paisible, douce et pure. Ces gens ne connaissaient pas le mal ! Enfin, si, mais il les dépassait totalement, tellement il était étranger à leur nature ! Ça semblait incroyable, pourtant ces hommes et femmes aux mœurs si complexes et étranges étaient incapables de méchanceté gratuite ! La cruauté n’était vraiment pas dans leur nature, et pourtant, cela le dépassait totalement.
Cependant, leurs âmes toutes liées par cette fusion mentale extraordinaire étaient montées le long d’un tunnel d’un bleu intense au bout duquel brillait une lumière magnifique, dans laquelle ils pénétrèrent bientôt. Et là, devant ses yeux stupéfait, il vit une galaxie ! Une galaxie au centre de laquelle brillait comme un diamant très pur, une galaxie de couleur rose-doré, comme la lumière qu’on voit à travers du champagne rosé.
Il savait qu’il était devant ce que ses nouveaux très anciens amis appelaient Maïa, la Mère Universelle ! La Cohésion de tout l’Univers, de l’Espace et du Temps, des atomes eux-mêmes ! L’Énergie qui faisait que tout tenait en place dans une cohérence qui nous dépassait largement, à nous, humbles mortels !
Oui, mais si cette chose lumineuse et superbe était Maïa, ce que d’autres en d’autres lieux et temps avaient appelé YHWH, Allah, Dieu, Vishnou, Brahmâ, Viracocha, et tant d’autres noms, ça voulait dire que l’Évolution n’existait pas et que tout était déterminé à l’avance ?
«- Non, non, humble mortel ! Je suis, j’ai été et serai de tous temps, Je suis le début et la fin de toute chose, mais je n’influence en rien le cours de quoi que ce soit… La vie est apparue réellement par hasard sur plusieurs de ces mondes de ton Univers et des autres, et de temps en temps, les cycles s’interrompent pour mieux recommencer, mais la Vie a été l’heureuse surprise totalement inattendue et la cause ou la raison de mon existence. Parce que je suis née en même temps que la vie, je suis la vie ! Ce que tu appelles âme, cette énergie mentale qui est tienne, cette sorte d’électricité qui t’anime, c’est ce qui me compose, comme elle compose ces hommes de ton passé que tu appelles des Néanderthaliens et qui sont mes Enfants Chéris car ils ont été les premiers sur Terre à avoir conscience de mon existence, bien avant mon Peuple Élu ! Car, Jean-Pierre, je suis ce en quoi tu ne crois pas ! Ce en quoi tu n’as jamais cru ! Je te plains sincèrement. Ta vie doit être d’une vacuité, sans un peu d’espoir et de rêve ! Car c’est ce que je suis avant tout ! L’espoir, le rêve, l’imagination, l’amour, la compassion, la bonté !
- Oui, mais enfin, tout de même… fit Limbu, se grattant frénétiquement son immatériel scalp, la proie de doutes affreux.
- Tu es sceptique, et pourtant, Raïaka a raison. Vous serez sauvés, en temps et heure. Et ces malheureux Garakoï, des créatures de Taïa-Araakh, mon ennemie, seront bien déconfits ! Mais en attendant, je vais vous laisser un peu en compagnie de mon parèdre, Poï, le Maître des Animaux.».
Et la spirale d’or rose disparut pour céder la place à une autre spirale, tout aussi superbe, mais d’un profond violet argenté.
«- Eh bien, que penses-tu de ton voyage incongru dans ton passé et de ta rencontre avec ces aimables Marrakhéïn ? s’enquit la voix émanant de la spirale, une voix plus virile que celle de la première apparition.
- Je n’arrive pas à y croire ! C’est trop stupéfiant, tout cela !
- Tout ce que tu apprendras ici et maintenant te sera profitable pour l’avenir, et peut-être pour l’image de tes ancêtres ! Car jusqu’à présent, tu en as donné une image bien déplorable, les malheureux ! Or, ils ne méritent pas ça ! Ils sont des êtres paisibles et bons, ils respectent la vie, même s’ils prélèvent des bêtes et des plantes, car, contrairement à tes contemporains et toi-même, ils ne gaspillent rien, et ils ne font rien pour rien ! Ils sont raisonnables en tout, et vous feriez bien, tes contemporains et toi, de suivre leur exemple, en vivant avec la Nature, et non contre elle !
- Oui, et ces brutes de cannibales, en bas ? fit le savant, assez rebelle quant à l’idée de s’en faire remontrer par des entités métaphysiques peut-être issues de son imaginaire enfiévré et une bonne hypnose !
- Ils sont issus de la création grossière de Taïa-Araakh ! Elle a semé le doute et le désespoir dans leurs esprits et les a faits s’égarer sur une bien mauvaise passe ! Ces malheureux sont bien plus à plaindre qu’à blâmer, parce qu’au départ, ils ne sont pas pires que vous. C’est juste qu’ils se sont persuadés, poussés par Taïa-Araakh, que manger des gens d’autres peuples leur apporteraient la force et le savoir de ces étrangers, ainsi que la puissance et la domination d’un territoire immense ! Or, elle les dévore petit à petit et les entraîne à leur perte. Quand les Marrakhéïn ont capturé les deux femmes de leur tribu, ils ont en fait sauvé deux âmes de la perdition ! Certes, leurs usages sont bien étranges, voire choquants, pour toi, mais il s’agit juste ici de rééquilibrer des forces qui vous dépassent tous ! Allez, redescendez, à présent. Vous garder plus longtemps serait provoquer vos morts prématurées, et ce n’est pas encore le moment pour cela ! Tu dois revenir dans ton monde, toi, et surtout, arrêter de croire que ce qui est différent de toi t’est inférieur !».
Et après la même sensation que dans ces rêves où on fait des chutes infinies, Monsieur Limbu se retrouva dans son corps qui lui parut bien lourd, engourdi et glacé ! Il tenait encore la tête du chaman entre les mains, tout comme les mains de ce dernier tenaient sa tête à lui, et il sentait, sur ses épaules, deux ou trois mains solides qui s’y appuyaient, tout comme les mains du reste du groupe touchaient les épaules du chaman.

mardi 15 février 2011

Pour les amoureux de Daft-Punk.

Un de mes amis de Facebook, Daftpunk-Daftworld, le fan le plus assidu du duo électro fatal, nous a pondu un remix des génies de l'électro d'enfer de la mort qui tue. Régalez-vous !!! 

Doux délire inspiré par celui de Mimi.#1

Comme promis deux articles plus tôt, voilà la suite de la mésaventure de préhistorien désobligeant qu'Anaïak et Maïn, deux des Néanderthaliens faisant partie du personnel de la base inter-temporelle Gamma ont expédié dans leur propre époque natale pour le punir de son attitude désobligeante à leur endroit, et surtout, à celui de leurs douces mies respectives... Se reporter ici pour le début de l'histoire...

Un préhistorien en pré-hystérie.
Dans l’enfer de glace.
Sitôt que ces deux types de Néanderthal le relâchèrent, il se retrouva précipité dans un vrai cauchemar !
Il se retourna vers ses tourmenteurs, baste, la base intertemporelle et ces deux escogriffes chevelus et bas du front avaient disparu ! Et il faisait un froid terrible, sur la vaste plaine enneigée où il se trouvait… Une plaine ? Une toundra, plutôt, dont l’âpre monotonie était rompue, ça et là par de maigres bouquets d’arbres, et, dans le lointain, une chétive forêt-galerie faite de saules et de bouleaux étiques, tordus à tous les vents de la Création ! Au-dessus de lui, le ciel dégagé, d’un bleu intense et cruel révélait tous les détails de cet éblouissant paysage morne et glacial avec une netteté redoutable.
Il s’avança vers la forêt-galerie, comme un somnambule, se demandant bien dans quel Enfer il pouvait bien se trouver… Soudain, une odeur franchement insultante et indescriptible lui parvint… Il sentit un violent coup à la tête, puis ce fut le black-out !
La fosse aux ours.
Quand il revint à lui, avec une abominable migraine et l’impression que son crâne allait exploser, il rouvrit les yeux sur l’impensable ! Il était au fond d’un grand trou, une espèce de doline bien abrupte, autour de laquelle une méchante palissade faite d’épieux bien solides et pointus servait de garde-fou, à moins que ce ne fût un rempart visant à empêcher la fuite de ceux qui étaient dans la doline… Et d’ailleurs, il n’était pas seul ! Il y avait là cinq hommes, et trois trucs camouflés sous des espèces de masques qui semblaient être des femmes, et les bonshommes semblaient de la même tribu que les deux excités qui l’avaient expédié dans cet univers glacial… Il se dressa sur son séant, et s’avança vers eux, pas content. Mais oui, ce type brun, avec ce collier de dents, c’était le même imbécile que celui qui l’avait jeté ici, avec son acolyte blond ! Et d’ailleurs, où était-il, ce grand imbécile blond ? Il ne lui avait pas épargné ses sarcasmes et il avait deux mots à lui dire !
Donc, sans plus réfléchir que ça, Monsieur Limbu se précipita vers le Néanderthalien brun au collier de dents, et lui cria après :
«- Non mais dis donc, espèce de pauvre crétin ! Et tu crois que c’est comme ça que je vais vous considérer comme des êtres humains qui seraient mes égaux intellectuellement ? Eh bien, tu t’es joliment trompé, pauvre rabougri du bulbe ! Et ces trois femelles masquées, là, je parie que deux d’entre-elles sont cette furie blonde obsédée et cette rouquine enragée qui m’ont si bien ennuyé tout à l’heure ? Par ici, vous autres, que je vous voie d’un peu plus près ! ! !».
Ce disant, il était passé au ras du Néanderthalien brun qui ressemblait en effet à Anaïak, et il se dirigeait vers les trois femmes tassées les unes contre les autres au pied de la paroi rocheuse assez abrupte de la doline, dans le but de découvrir parmi elles ses tourmenteuses de tantôt.
Il tenta donc d’arracher le masque de l’une des filles, mais une poigne robuste le retint in extremis et un poing énorme s’abattit sur lui, lui réveillant d’un coup sa sévère migraine plus que jamais ! Mais il n’était pas assommé, même s’il était un peu vacillant, l’autre avait été stoppé net dans son élan vindicatif par un parti de types dépenaillés, crasseux et puants plus que dix charognes bien faisandées réunies, qui s’abattirent sur lui, pieds et poings, ainsi que vociférations terrifiantes après avoir bondi par-dessus la barrière d’épieux de la fosse et atterri six mètres plus bas, en de souples bonds de fauves !
Du coup, les autres Néanderthaliens qui étaient dans la fosse avec lui, oui, même ces filles qui semblaient prisonnières, volèrent à la rescousse du premier gars, mais les Néanderthaliens crasseux et dépenaillés, bien plus répugnants que ceux avec qui il était au départ dans la fosse, s’en prirent aux autres bonshommes, après avoir lancé avec une vigueur effrayante les trois filles contre la paroi de la doline où elles se cognèrent, calmées pour le compte ! Mais là, les cinq premiers Néanderthaliens avaient fort à faire avec ces brutes crasseuses, tout aussi néanderthaliennes, d’ailleurs ! Et il eut in vivo la démonstration de la force terrible de ces êtres, de leur incroyable agilité aussi, ainsi que d’une violence qu’il leur avait toujours imaginé, mais il se tint prudemment à l’écart de la rixe, observant avec le froid détachement du scientifique qu’il était !
Qu’est-ce qu’ils se mettaient ! Un combat de catch, c’était presque un ballet classique et lent, à côté de ça ! Même les acteurs de film de karaté n’avaient pas cette agilité surpuissante, cette force de prédateur, cet élan assassin de fauve enragé ! Ces êtres étaient de vrais Berserkers, ils étaient franchement redoutables !
Et ce furent les Néanderthaliens crasseux qui eurent raison des Néanderthaliens moins sales et tatoués avec art de spirales noires et rouges.
D’ailleurs, il n’aurait jamais pensé qu’il pouvait y avoir des tribus si tranchées dans leurs différences, à l’époque… Et ces types-là n’étaient en rien des acteurs déguisés, ils avaient une manière de se mouvoir, une force telles qu’ils étaient réellement ce qu’ils semblaient être, ce qui était franchement hallucinant. Il devenait fou, ou quoi ? Depuis vingt ans qu’il travaillait avec Svante Pääbo à Leipzig, on avait découvert des choses surprenantes sur les Néanderthaliens, notamment, qu’ils s’étaient mêlés, quelle horreur, avec Sapiens, mais ça, c’était trop fort… Il devait être surmené, car de jour en jour, les découvertes s’accumulaient, mettant bien à mal toutes ses convictions et notamment les préjugés qu’il avait à l’encontre de la gent paléanthropienne…
Pourtant, les brutes épaisses et cradingues correspondaient tout à fait à l’idée qu’il s’était toujours faite des Néanderthaliens ! Il râlait de voir qu’on les présentait à présent comme des humains à part entière, et relativement fréquentables, en plus ! Il trouvait que c’était un romantisme de colonialiste qui culpabilisait et regrettait d’avoir si mal traité ceux qui ne lui ressemblaient pas !
Bref, les types crasseux repartirent, laissant sur le carreau les cinq Néanderthaliens bel et bien out ! Mais étaient-ce réellement des Néanderthaliens ? Ils étaient certes râblés et costauds, mais ils étaient vêtus plutôt avec recherche, ceux-là, ils avaient des tatouages, et des bijoux relativement sophistiqués, même s’il y entrait peu de matières animales.
Fasciné, il s’approcha du brun au collier de dents, et l’examina soigneusement, profitant de ce qu’il était évanoui.
Là, allongé de dos sur le sol, sa figure était bien dégagée de sa chevelure épaisse, longue et hérissée, et quelle figure ! Elle avançait un peu comme un museau, il avait un grand nez large et conséquent, sa bouche bien dessinée, là entr’ouverte, dénudait des dents larges et robustes, bien plantées, et parfaitement blanches, contrairement à ce qu’il imaginait aussi, tout comme nombre de ses contemporains.
Mais le plus stupéfiant était le front du gars, là bien dégagé des longs cheveux noirs. Il était bas, fuyant, orné d’une spirale tatouée, les cheveux étaient implantés en pointe sur ce petit front, mais le plus stupéfiant était bien la double arcade osseuse du torus-sus-orbitaire, là bien visible ! Fasciné, il toucha délicatement ce visage incroyable, et ne put que constater qu’en effet, c’était bien de l’os et non pas un masque de latex, ainsi qu’il s’en assura toutefois en tirant un peu la barbe soigneusement taillée du bonhomme. N’en croyant pas ses yeux, il réalisa le même type d’examen sur les quatre autres hommes, constatant qu’ils étaient réellement ce qu’ils semblaient être, et fut bien marri quand, examinant le dernier, qui portait autour du cou, en plus d’un collier de dents, des griffes d’ours des cavernes, et un diadème de griffes du même animal autour de son petit front, d’ailleurs, une dure main s’abattit sur lui pour l’écarter de l’homme avec fermeté. Il se retourna, et eut un sursaut !
L’une des captives masquées s’était réveillée, et c’était elle qui venait de l’écarter rudement du jeune homme qu’il examinait avec stupeur… Mais ce qui l’acheva, ce furent les yeux de la captive, bien visibles derrière son masque, qui étincelaient comme ceux des prédateurs la nuit, d’un éclat rouge franchement épouvantable ! Il poussa un cri et battit en retraite, comme la jeune femme s’agenouillait près du jeune homme, prenait sa besace, la fouillait à la recherche de Dieu savait quoi, et, trouvant ce qu’elle cherchait, se mit en devoir de le faire avaler au jeune gars toujours out.
Les bras et les mains de la fille prouvaient à eux seuls qu’elle était tout aussi néanderthalienne que les gars, mais Dieu savait quelle couleur elle devait bien avoir au départ, parce qu’elle était, outre son masque, couverte de peinture d’ocre rouge, exactement comme les femmes Himbas de Namibie ! Les deux autres, par contre, étaient peintes en blanc.
Ils avaient visiblement des mœurs assez tordues, dans cette tribu-là ! Parce que les filles étaient entravées et elles étaient cachées sous ces masques. Pourquoi donc ? Pour ne pas qu’elles échappent à leur ravisseur et que d’autres hommes les voient ? Il avait vu que les crasseux, eux, étaient de belles teignes, mâles et femelles confondus, et ces dernières étaient tout aussi repoussantes que leurs bonshommes, si tant est qu’on puisse qualifier ces féroces primates malodorants des « bonshommes » !
Aidés par la jeune femme, les hommes revinrent enfin à eux, et le jeune homme à la couronne de griffes d’ours remercia gentiment la jeune femme peinte en rouge, souriant, et lui serrant les mains avec effusion ! Il lui dit quelque chose d’un ton aimable et doux, et la fille lui répondit par signes, à la grande stupeur du savant. Allons bon ! Elles n’avaient pas le droit à la parole non plus ? Quel peuple était-ce donc là ? Les autres affreux d’en haut semblaient tout de même plus libéraux avec leurs viragos, car tout ce monde répugnant jacassait à qui mieux-mieux un idiome guttural et grondant à faire peur aux ours eux-mêmes !
La langue des hommes dans la fosse avec lui était tout autre. Gutturale aussi, elle était pleine de diphtongues, et plus élaborée aussi que celle des citoyens du dessus ! D’ailleurs, ceux-là, par-delà la barrière d’épieux, les regardaient en riant méchamment, les désignant du doigt, et, parfois, leur lançant des trucs difficilement identifiables dessus ! Et ils riaient encore plus après ce type de discutable exploit.
À moment donné, toutefois, ils descendirent une espèce de plate-forme sur laquelle étaient disposées des provisions dont certaines semblaient ma foi tout à fait appétissante et dégageaient un fumet tout à fait engageant ! C’est là que Monsieur Limbu réalisa qu’il n’avait rien mangé depuis un bon moment et qu’il avait vraiment très faim ! Sans plus réfléchir que ça, il se précipita vers les provisions, et se servit sans hésiter une grande tranche de viande bien cuite qui semblait n’attendre que lui ! Il s’empara de la chose très vite, craignant que les Néanderthaliens de la fosse ne l’écartassent brutalement du plateau pour s’accaparer tous les vivres, et fut bien surpris quand il s’avisa que les cinq hommes le regardaient avec une stupeur horrifiée et même de la pitié !
Et pourquoi ne mangeaient-ils pas, eux ? Il leur faisait peur, ou quoi ?
« - Ben alors ? Vous ne mangez pas, vous autres ? Vous avez peur d’être empoisonnés, ou vous croyez, parce que je l’ai touchée, que cette nourriture est impure ? Ne me dites pas que je vous faire peur, tout de même, ça m’étonnerait beaucoup ! Parce que quand j’ai voulu voir à quoi ressemblaient vos femmes tout à l’heure, tu étais prêt à me castagner, toi, et heureusement que les autres sont venus vous calmer, parce qu’à l’heure actuelle, je serais très probablement mort au moins dix fois !», lança-t-il, narquois, à l’homme qu’il pensait le chef du petit groupe, le gars au simple collier de dents mais aux cheveux hérissés dans tous les sens. D’ailleurs, les autres aussi, avaient des colliers de dents, mais celui-là, il ne savait pourquoi, lui semblait plus apte à commander que les autres, même l’individu au diadème de dents d’ours. D’ailleurs, ce type-là comme celui qui semblait le chef étaient plus tatoués que les autres. Donc, ça devait être le chef, et celui aux griffes d’ours, le chaman ?
Et la captive peinte en rouge, elle avait quel rôle dans ce peuple ? Le rouge, normalement, signalait un statut à part, ou quelque chose de sacré, pour nombre de peuples traditionnels. Bah, peu importait, il avait faim, et il n’allait pas attendre que les autres daignassent approcher ! Struggle for life !
Il continua donc à se gaver, il faisait froid, il fallait qu’il puisse tenir le choc, et pour tenir le choc, étant donné qu’il portait des vêtements insuffisamment chauds, il fallait des calories, et pour les acquérir, manger, ce qu’on pensait que faisaient les Néanderthaliens, d’ailleurs, dont on avait toujours supposé qu’ils avaient un appétit redoutable ! Or, ceux-là n’avaient pas l’air tenté du tout par les mets qu’on leur proposait ! Peut-être était-ce dû, aussi, à l’hygiène plus qu’approximative de leurs si rudes hôtes ! Et qu’allaient-ils leur faire, à la fin ? Ils n’allaient pas rester dans cette fosse à perpétuité, tout de même !
C’est à ce moment-là qu’ils s’approchèrent à leur tour du plateau, et celui qui semblait être le chef, lui désigna la nourriture en faisant de violentes dénégations. Quoi ? Il ne voulait pas qu’il mange ? Le gars avec de grands gestes désignait les crasseux qui, du haut de la fosse les regardaient en ricanant, puis il prit le bras du préhistorien, le tâta d’un air gourmand, et désigna les crasseux d’un geste large, en faisant mine de manger quelque chose !
Quoi ? Ce n’était pas suffisamment bon pour eux, ce qu’on leur avait servi là ? Ils voulaient le manger ensuite, après qu’il ait mangé ces provisions ? Il était prisonnier avec des cannibales ? Et ceux-ci voulaient le dévorer ? Horrifié, le malheureux savant se dégagea de la puissante main du chef, et lâcha ce qu’il mangeait, partant à l’autre extrémité de la fosse ! Là haut, les autres riaient bien de ce qu’ils voyaient. Ça devait être sûrement très drôle, selon eux !
Captivité.
Quelques heures plus tard, les Néanderthaliens de la fosse étaient assis en cercle autour d’un petit foyer, alors que lui se gelait fermement… N’y tenant plus de froid, il s’approcha et s’installa sans vergogne. L’un des hommes s’avisa qu’il était gelé, et il posa sur ses épaules, sans rudesse, une épaisse pelisse bien velue qu’il sortit d’un sac qu’ils avaient avec eux. Sans hésiter, le savant endossa la belle fourrure épaisse, une fourrure d’ours brun, et apprécia de suite la saine chaleur qui commençait à revenir en lui. Il remarqua aussi que les femmes mangeaient autour d’un autre foyer, à part, et qu’elles se cachaient précautionneusement pour ce faire. Il se demandait quelles têtes elles devaient avoir. Finalement, tout Néanderthaliens qu’ils étaient, ils étaient bien moins laids que ce qu’on avait imaginé pendant des années, et même les deux furies de la veille étaient loin d’être laides ! Et c’était ça, le plus agaçant ! En plus, la rousse l’avait percé à jour, et avait compris qu’elles ne lui étaient pas indifférentes, son amie et elle ! Et elle avait raison ! Elles étaient finalement attirantes, ces femmes ! Et ça, c’était franchement honteux ! Trouver du charme à des êtres aussi différents de lui ! Des Néanderthaliennes, en plus, des créatures qu’il avait toujours considérées comme limitées et stupides… Or, ce qu’il voyait autour de lui était très loin d’être des comportements stupides !
Ces gens avaient des rites. Des usages, une culture, une technologie rudimentaire, certes, mais néanmoins réelle et efficace ! Ils semblaient avoir des croyances complexes et sophistiquées, et leur langue semblait bien élaborée aussi. Exactement ce que ses collègues avaient découvert tant par leurs fouilles que par les recherches génétiques concordait pour présenter non plus une brute épaisse déchaînée, si on exceptait les crasseux en-dehors de la fosse, mais bien un être humain accompli et digne en effet de respect et de considération, même si les usages de cette tribu-là, avec les femmes, semblaient franchement machistes et totalement tordus ! Ah, que ne parlait-il leur langue ! Il aurait voulu les convaincre qu’on ne traitait pas les femmes, même de Néanderthal, comme ça !
Mais bon. Le simple fait de se retrouver là, à côté de cas aussi fascinants que ces êtres-là était déjà énorme, et il daignait s’en contenter, bien ennuyé de devoir remettre toutes ses idées en question, simplement par la seule attitude de ces êtres.
Car malgré le fait qu’elles soient captives, les femmes n’étaient pas traitées durement. Étonnamment les hommes leur parlaient gentiment, doucement, et avaient des gestes doux, gentils, avec elles.
Et les femmes, même si elles baissaient modestement les yeux, semblaient apprécier d’être ainsi traitées. C’était aussi vieux que ça, le syndrome de Stockholm ? Des milliers d’années avant la fondation de cette ville, ça existait donc déjà ? Et d’ailleurs, d’où sortaient-elles, ces femmes, pour accepter un traitement pareil sans sourciller plus que ça ? C’étaient des femmes de la tribu de crasseux au-dessus, et c’est pour leur faire rendre gorge qu’on les avait emprisonnés, ces hommes et elles ? Pour un amour interdit ? Elles s’estimaient plus heureuses prisonnières que libres ? Dans quelle tribu avaient-elles donc grandi, pour supporter un tel traitement ? N’avaient-elles aucune dignité ? Aucune fierté ?
Les questions se bousculaient dans le crâne du pauvre savant, et il finit par s’endormir, sans se rendre compte qu’il s’appuyait mollement contre l’épaule de celui qui semblait le chaman !
À moment donné, il rouvrit les yeux, et fut bien surpris de se trouver posé sur une sorte de matelas en peau et recouvert d’une belle peau de renne bien chaude et confortable. Il était d’ailleurs dans l’espèce de cabane qui était érigée dans la fosse et qui visiblement leur servait d’abri. Il tourna la tête, et avisa dans l’ombre, les autres qui dormaient profondément, enfin presque, installés, comme lui, sur ces sortes de litières pas si inconfortables que ça.
Il se rendormit, pas plus inquiet que ça, la tête remplie de questions.
Plusieurs jours passèrent ainsi. Lui mangeait comme un ogre, et les autres touchaient à peine la nourriture, ne consommant que le strict minimum pour ne pas mourir tout à fait ! D’ailleurs, les sauvages répugnants d’en haut semblaient désappointés qui remontaient le plateau toujours largement plein de nourriture !
À tel point qu’un crasseux descendit, et commença par les regarder, tous, avec attention, et il eut un sourire radieux en s’avisant que le pauvre Monsieur Limbu était franchement replet ! Il s’en frotta les mains de satisfaction, et remonta à l’aide d’une corde à nœuds qui fut bien vite retirée sitôt qu’il fut en haut !
Limbu était terrifié… Les dents de cet être répugnant de crasse étaient très blanches, mais taillées en pointe ! Alors, ça, normalement, c’était inimaginable ! On n’avait jamais retrouvé de fossile avec des dents ciselées de cette manière ! Certes, sur plusieurs centaines de milliers d’années, on n’avait qu’une petite vingtaine de squelettes à peu près complets, et si tous présentaient des dents plus ou moins nombreuses ou usées, aucune n’était taillée comme ça ! Et les seules choses de propre, chez ces êtres, étaient leurs sclérotiques et leurs dents ! Ils étaient effrayants, et ils puaient vraiment pire que des hyènes en chaleur ! Et là, il avait clairement vu les « bijoux » que ces brutes portaient… Le collier de celui qui était descendu dans la fosse, pour une fois hors de ses fourrures miteuses et mal tannées, était une mâchoire humaine, un maxillaire nanti de toutes ses dents, enfilé sur un simple lien de cuir passé autour du cou d’aurochs du néfaste individu.
C’était franchement contestable, comme joaillerie, mais qui sait ? C’était peut-être un souvenir d’un être cher ? Ses idées, malgré l’attitude des Néanderthaliens de la fosse vis-à-vis de la nourriture et ce qu’avait tenté de lui faire comprendre l’un d’eux ne voulaient pas se faire un chemin dans sa tête… Les cannibales n’étaient pas dans la fosse, c’étaient ceux d’en haut !
Les immondes craspecs !

lundi 14 février 2011

Une brève inversion de champ magnétique terrestre, et tout mute !!!

Une passionnante conférence sur ce qui a peut-être causé la disparition de notre ami Néanderthal... Merci, Universcience TV !

dimanche 13 février 2011

Mimi'z drimz: Deux femmes VRAIMENT fatales.

Un Mimi'z drimz: Deux femmes VRAIMENT fatales.
Un doux délire de Mireille qui m'inspire une suite tout aussi croquignole bientôt ici !! D'ailleurs, c'est vraiment du travail à quatre mains, ça !! Ce passage est vraiment très rigolo ! Les petits Néanderthaliens de notre saga n'ont pas fini de faire des frasques et de nous faire bien marrer, d'autant que nous les avons dotés d'un solide sens de l'humour et de l'auto dérision    !! 

 La mignonne, douce et espiègle Délian-Ka.

 L'énergique mais marrante Wang-Ka, deux Néanderthaliennes charmantes et charmeuses.

 L'aimable Anaïak, à qui on ne parle pas en mal de sa mie à qui il est totalement accro.

Le gentil Maïn qui, derrière une insolence rare et un caractère un peu soupe-au-lait cache un coeur généreux et une réelle gentillesse. A lui non plus, il ne faut pas dire des choses méchantes sur sa chère et tendre !

Ces quatre dessins sont mon oeuvre et illustrent parfaitement cet article, puisque ce sont les principaux personnages de notre saga qui y sont représentés.

Le vrai visage de Neandertal.

Ce passionnant documentaire, diffusé rarement en France, nous montre un très positif aspect du mythique ancêtre... Je n'ai pu le trouver qu'en anglais, hélas, mais c'est aisément compréhensible, toutefois. Vous allez donc découvrir "The Real Neandertal Man", qu'on avait traduit en français par "Le Vrai Visage de Neandertal". Et le visage du jeune héros de l'histoire ressemble à celui qu'on imagine au personnage de Maï, tiré de la saga que Mimi et moi commettons, un jeune Néanderthalien très sympa... 
Je vous laisse à présent en très bonne compagnie...










J'espère que ceci vous aura plu, mais honnêtement, pourquoi personne n'a-t-il songé à enregistrer ce programme en français ? Parce qu'il passait à des moments indus ? Probablement ! Ca les enquiquine, ça, qu'on présente une image très positive et avenante de ces pauvres ancêtres ingénieux et pleinement humains !