Alors là, je ne sais pas, mais ça doit probablement être la fièvre, parce que je suis enrhumée, qui a provoqué ce drôle de rêve que j'ai fait il y a deux nuits... Ma passion pour la préhistoire et la science-fiction s'y retrouvent étroitement mêlées, et voilà donc ce que j'ai déliré.
En 2012, le génome complet de Néanderthal a été décrypté jusque dans ses plus petits détails. Et les gens du Max Planck Institute de Leipzig avaient entre leurs mains une banque génétique impressionnante. Le génome complet qu'ils avaient décrypté provenait du tibia d'un Néanderthalien découvert en 1980 à Vindija en Croatie. Le pauvre hère, il y avait trente-huit mille ans, avait été dévoré par une tribu de cannibales, et ses ossements cruellement décharnés par ceux qui l'avaient dévoré avaient miraculeusement traversé le temps, gardant en eux quelques gènes et chromosomes suffisamment bien conservés pour qu'on pût enfin savoir en quoi Néanderthal et sapiens différaient. La différence génétique entre les deux humains était d'à peine 0,2%, ce qui faisait que les deux espèces humaines avaient divergé tout au plus il y avait un demi-million d'années plus tôt, au bas mot.
Mais là, les gènes avaient parlé, et un des savants de Leipzig, un homme sans scrupule, décida de tirer bénéfice de ces gènes, à présent qu'ils avaient livré leur secret. Tout le monde le savait, les Néanderthaliens avaient été des humains intelligents, certes, mais surtout, extrêmement costauds et athlétiques... Ils pouvaient fournir les sportifs ou les soldats de demain, rien que grâce à ces gènes du pauvre V80... Le généticien sans scrupule, membre de l'équipe du Professeur Svante Pääbo, estimait qu'il pourrait retirer une petite fortune de la vente de ces gènes à une quelconque entreprise de génie génétique. Après tout, les Néanderthaliens n'étaient pas des humains modernes, tout au plus, une espèce de primate, comme les bonobos ou les chimpanzés... Et cet homme, qui faisait des heures supplémentaires dans le laboratoire du Pr. Pääbo décida donc de voler les gènes de V80, soigneusement conservés dans un environnement stérile... Dans l'armoire contenant les séquences génétiques complètes du pauvre Néanderthalien, il s'empara de l'un des tubes à essais contenant les précieux ADN et non moins précieux chromosomes et s'enfuit dans la nuit.
Sur l'autoroute qui partait de Leipzig, l'homme, au volant d'une puissante voiture électrique filait à toute allure vers la Suisse... Là, il allait rencontrer son commanditaire, un Américain qui travaillait pour une entreprise de génie génétique très en pointe dans les milieux de l'agro-alimentaire et aussi dans la fabrication des médicaments... Dès le début de cette expérience extraordinaire de la quête du génome néanderthalien, l'entreprise qu'il représentait avait tant et plus tenté de circonvenir les chercheurs, qui ne goûtaient guère les buts de cette entreprise, et s'en méfiaient avec raison. Mais lui, comme on ne lui avait pas accordé la promotion qu'il espérait, il trahissait à présent l'idéal purement humaniste du Max Planck Institute... Cette nuit il allait gagner des centaines de milliers de dollars, et après lui le Déluge...
Dans un hôtel luxueux et discret de Zurich, l'homme attendait son livreur. L'entreprise n'avait pas l'intention de payer une fortune un homme qui avait trahi les siens, et serait susceptible de les trahir eux, à leur tour, au profit d'une autre opportunité éventuelle... Le président directeur général du trust multinational dont il dépendait le lui avait bien dit, précisant qu'il devait trouver une solution discrète à cette transaction... La porte du hall d'entrée s'ouvrit bientôt sur un homme qui regardait tout autour de lui, anxieux, et qui portait une mallette métallique, une de ces espèces de containers qu'on utilisait dans les hôpitaux pour transporter les organes à greffer... C'était visiblement son client. Il sortit de l'ombre, et s'avança souplement vers lui, échangea brièvement quelques mots hâtifs à mi-voix avec lui, et ils se dirigèrent vers la sortie de l'hôtel...
Le lendemain, on découvrit le corps atrocement mutilé d'un homme à qui on avait coupé mains et pieds, ainsi que tête, afin d'empêcher toute identification immédiate...
Pendant ce temps, à bord d'un jet privé dépêché par le PDG du trust agro-alimentaire et chimique, l'homme de l'hôtel de Zurich tenait contre lui la mallette métallique comme s'il s'agissait de tout l'or de Fort Knox. Il allait dans un des pays émergents d'Europe Centrale où leur trust s'était puissamment implanté, ravi de trouver là des gens miséreux exploitables à merci, et, surtout, une tranquille discrétion pour mener des recherches de pointe...
C'était en Roumanie, dans les Carpates, dans un des anciens châteaux du Voïvode Vlad Dracul que l'entreprise avait installé un de ses centres de recherches, et surtout, hébergeait ses savants les plus doués dans les domaines les plus pointus. Le chef du laboratoire de recherches était un nonagénaire, un ancien médecin nazi, collaborateur de l'immonde Mengele. Il avait l'oreille et la confiance du PDG du trust, et espérait, grâce à des expériences génétiques terribles, améliorer l'espèce humaine pour en faire le surhomme cher à Nietzsche et restaurer le III° Reich pour mille ans au moins, en recréant une race supérieure à partir de ces maudits Tziganes dont les Roumains ne savaient que faire, au juste, et qui d'ailleurs composaient une grande proportion de miséreux dont il faudrait tôt ou tard se débarrasser... il ne les massacrerait pas, comme le Führer l'avait fait, non, il les "améliorerait", grâce aux gènes de V80 qui en feraient des êtres endurants, athlétiques et robustes, d'une santé à toute épreuve... On allait implanter ces gènes dans l'ovaire d'une de ces idiotes de Tziganes analphabètes, afin de voir s'ils pourraient se combiner avec les humains véritables, même d'une race méprisable et inutile comme celle-là, et si un enfant en naissait, on l'observerait sous toutes les coutures... Et il pourrait, lui aussi, devenir une banque de tissus, de gènes et d'organes tout à fait intéressante grâce à ses cellules-souches qu'on prélèverait régulièrement... Et qu'on implanterait, encore et encore, dans les ovaires de ces poules pondeuses tziganes qui ne savaient que faire des enfants pour toucher des primes de l'état et en faire vivre toute leur famille qui ne foutait rien !!!
Les plans du vieux nazi s'étaient échafaudés dans son esprit pervers depuis cette histoire de décryptage du génome humain... Le trust dont il dépendait était américain, mais il était aussi financé par la CIA et des agences gouvernementales américaines ultra-secrètes... Ses surhommes intéressaient les généraux de l'armée US, qui ne rêvaient que de mater, définitivement, cette fois, les islamistes au Moyen Orient et en Afghanistan avec une super armée... Et là, la super armée, ils allaient l'avoir... Des soldats ultra-disciplinés, endurants, aux sens aigus de prédateurs,
Un an plus tard, dans une des salles du centre de recherches secret du trust transformé en infirmerie, une femme brune au teint bistre accouchait. Et ça ne se passait pas facilement ! Il fallut lui faire une césarienne. Finalement, on sortit du ventre de la jeune femme un bébé rougeaud, robuste, criant à pleins poumons, et doté de cheveux d'un blond-roux étonnant très épais. Quand elle s'éveilla, elle voulut bien sûr voir le bébé auquel elle avait donné le jour, mais comme elle était une simple mère porteuse, on lui expliqua qu'elle toucherait l'argent à sa sortie, dans quelques jours... La pauvre femme mourut étrangement quelques heures plus tard d'une infection inconnue... En fait, l'homme de main du trust avait évité les problèmes et surtout à la tzigane de parler et de livrer ses secrets. Définitivement. On la prépara, on lui mit sa plus belle robe, une chose rouge assez élimée, et on l'allongea dans un joli cercueil avant de la rendre aux siens. On la pleura à grand bruit et on l'enterra. Sans poser de questions, parce que l'argent qu'elle était censée avoir touché pour avoir porté ce bébé allait payer une école et un dispensaire à la communauté tzigane...
Pendant ce temps, un hélicoptère privé partait du château pour rejoindre l'aéroport de Bucarest, duquel l'homme descendit, portant dans ses bras un bébé endormi enveloppé d'une couverture. Il monta dans un jet privé marqué du logo du trust multinational qui l'employait, et partit pour l'Amérique, et la Base 51, que l'armée avait désaffectée, mais que le trust avait rachetée pour continuer des recherches franchement peu orthodoxes.
L'avion, au bout de douze heures de vol se posa enfin dans le désert du Nevada, sur la piste de l'Aire 51. L'homme descendit de l'avion, toujours portant dans ses bras le bébé qui gigotait et émettait de bruyantes protestations. Le président directeur général du trust et son conseil d'administration au grand complet l'attendaient devant le corps de bâtiment principal de la base :
"- Ah ! Ainsi voilà ce qui va nous permettre d'améliorer l'espèce humaine en lui donnant une plus grande force, une plus grande résistance ! Montrez-moi donc cette créature ! déclara le P.D.G., prenant l'enfant des bras du nervi, et l'examinant soigneusement : Il n'a aucune différence d'avec un enfant de notre époque ! Il est plus costaud, c'est tout, et peut-être ses yeux sont-ils un peu plus écartés et son crâne plus bas et long, et encore... Êtes-vous sûr que c'est un clone de ce Néanderthalien de Vindija, que nous avons là, ou un produit d'insémination artificielle d'une Tzigane ?
- C'est un clone, Monsieur le Président. La Tzigane n'a fait que prêter un ovule aux biologistes et son ventre par la suite. Les biologiste ont ôté les chromosomes de la Tzigane de l'ovule et les ont remplacés par ceux de V80, reconstruits à partir de l'ADN de ce Néanderthalien fossile de Vindija. Il est le clone de cet être et je me demande bien ce que vous allez en faire !
- Ses cellules-souches seront régulièrement prélevées, mais il recevra une éducation et il aura une famille pour s'occuper de lui ! dit le P.D.G. qui observait l'enfant, fasciné. Il avait d'épais cheveux cuivrés, des yeux bleus, comme tous les nouveaux-nés, un teint rose et clair, les mains potelées et marbrées d'un enfant en pleine forme, et ses grands yeux innocents fixaient l'homme avec étonnement.
- Et dire que mes biologistes voulaient l'étudier comme un singe ! Mais c'est un enfant, que nous avons là ! Pas un petit singe ! Il est même très mignon, tout Néanderthalien qu'il est ! Bien, vous pouvez disposer, Stevens, vous avez brillamment réussi votre mission, et je vous offre la direction de ma succursale d'Uppsala, ainsi que nous en avions convenu avant tout ceci. Une prime de dix millions de dollars vous attend déjà là-bas, pour faciliter votre installation, et vous bénéficierez d'un salaire mensuel de deux-cent mille dollars. Bonne chance, Stevens, et encore merci !".
Les biologistes de la base 51 attendaient qu'on leur confiât l'enfant, mais le P.D.G. se tourna vers eux et dit enfin :
"- Vous lui prélèverez régulièrement des cellules-souches pour récupérer son ADN et un tas d'autres choses, mais cet enfant vient avec moi pour le moment !".
Et il monta dans sa luxueuse limousine, sur le siège arrière, portant toujours l'enfant. Le chauffeur le regarda approcher avec surprise :
"- Nous allons dans mon chalet des Rocheuses, Mac Villard ! Je vais appeler ma femme pour lui dire que je resterai quelques jours absent et qu'elle ne s'inquiète pas. Ah, il faut engager une nurse. Seigneur, qu'est-ce qu'il a à brailler comme ça ?
- Il a faim, Monsieur ! A cet âge-là, les gamins, c'est tétée toutes les trois heures et popo pareil !!! Est-ce qu'on lui a donné son biberon ? demanda le chauffeur.
- Ben, je crois que les hôtesses de mon avion privé s'en sont occupé, oui. Mais visiblement, ça n'a pas suffi ! Quelle voix ! Eh, Vince, si tu arrêtais de chanter ? On va te donner à manger, c'est promis, mais calme-toi, voyons ! dit le P.D.G., un peu dépassé.
- Ne vous inquiétez pas, Monsieur. Je suis habitué aux enfants, j'en ai six ! On peut s'arrêter à la pharmacie, il y en a une sur la route, et je sais exactement le type de lait et de biberon qu'il faut à un loupiot comme celui-là... Je vais faire une provision de couches, aussi ! sourit le chauffeur, un Noir gigantesque, issu du Bronx, un ancien mauvais garçon qui s'était bien calmé et ne faisait plus partie d'aucun gang.
- Mac Villard, est-ce que ça vous plairait, à votre petite famille et vous, de vous mettre au vert pendant plusieurs années et de vous occuper de Vince ? Il lui faut une famille ! dit le P.D.G. Dans mon chalet des Rocheuses, il grandira à l'écart de tout le monde, et ainsi, les gens ne remarqueront pas qu'il s'agit d'un petit Néanderthalien...
- Un Néanderthalien ? Un petit homme des cavernes ? se récria le Noir, horrifié, fixant l'enfant d'yeux exorbités.
- Un petit être humain, un enfant innocent qui, je le réalise à présent, ne mérite pas le sort d'animal de laboratoire auquel je le destinais ! Seulement, quand il grandira, ses différences physiques vont s'accentuer, et il ne pourra pas s'intégrer facilement à notre monde. C'est pour cela qu'il grandira tranquillement dans la forêt autour du chalet, avec une famille unie et sympathique autour de lui, qu'il grandira parmi elle, comme l'un de vos enfants ! C'est une tâche de confiance, que je vous demande, Mac Villard. Vos enfants et ce petit auront des précepteurs et recevront tous les soins médicaux possibles et imaginables, vous percevrez, votre femme et vous, un salaire de cinq-mille dollars chacun par mois, pour l'entretien et l'éducation de Vince. Je viendrai régulièrement le voir, le plus souvent possible, parce que je crois que j'ai fait une folie. Pauvre Vince, quel avenir vas-tu avoir dans ce monde qui n'est pas le tien ?"
Fin de la première partie.
2 commentaires:
Tu es fascinante... et ton histoire de même. Moi qui n'aime pas la SF, j'ai tout lu d'un trait.
Tu es en train de faire de moi une accro à tes néanderthaliens. À cause de toutes ces connaissances scientifiques qui m'intéressent et que tu sèmes ici et là, à cause de ta gentillesse, de ta folie, ton imagination et ton écriture à la rencontre de tout cela. Tu ne veux vraiment pas que les néanderhtaliens soient coupés de notre espèce, hein? Tu serais vraiment déçue!
Je ne serais pas suprise que tu adoptes toi-même ce petit loupiot-là, à tes frais, tiens. Déjà que c'est toi qui l'as conçu! Hihihi!
Zed ¦)
tout lu d'un trait; ecris vite la suite!
Enregistrer un commentaire