Un article relayé toujours par Internaaze et paru chez "Pour la Science" le 12 janvier 2011 démontre que les personnes cannibalisées à El Sidron en Espagne il y a 49 000 ans étaient toutes de la même famille, ce qui rend leur sort encore plus poignant, à mes yeux. L'article en lien ici et in extenso ci-dessous...
Une cellule familiale chez Néandertal
Les restes de 12 Néandertaliens trouvés dans le même site du Nord de l'Espagne livrent les premiers enseignements sur le comportement familial de cette espèce humaine.
Jean-Jacques Perrier
© El Sidrón Research Team
La galerie des Ossuaires du site d’El Sidrón où ont été exhumés les fragments osseux néandertaliens.
La galerie des Ossuaires du site d’El Sidrón où ont été exhumés les fragments osseux néandertaliens.
Pour la première fois, l'histoire familiale d'un groupe de Néandertaliens a pu être reconstituée. Carles Lalueza-Fox et ses collègues de l'Institut de biologie évolutive de Barcelone ont étudié les fragments osseux de 12 individus exhumés dans le site karstique d'El Sidrón, dans les Asturies.
D'après l'analyse morphologique des fragments, tous datés d'il y a 49 000 ans, le groupe comprenait trois hommes, trois femmes, trois adolescents, dont au moins deux garçons, et trois enfants de deux à neuf ans, de sexe indéterminé. Les restes présentent en outre des marques de cannibalisme, ce qui signifie probablement que les individus ont été tués simultanément ou successivement puis dépecés par d'autres Néandertaliens (l'homme moderne n'étant pas arrivé dans la région à l'époque).
Les paléoanthropologues ont extrait des fossiles leur ADN mitochondrial, hérité de la mère, et l'ont séquencé, définissant ainsi plusieurs lignées génétiques d'origine maternelle. Ils ont aussi recherché la présence du chromosome Y, hérité du père et propre au sexe mâle. Il ressort que sept individus appartiennent à une même lignée, quatre à une deuxième, et un seul, une femme, à une troisième. Les trois femmes étaient chacune d'une lignée maternelle différente, alors que les trois hommes étaient de la même lignée, ce qui laisse supposer qu'ils étaient peut-être frères, oncles ou neveux. Deux des femmes, non apparentées aux hommes, étaient sans doute leurs partenaires, et l'une d'elles était la mère de deux des enfants. La troisième femme, de la même lignée maternelle que les trois hommes (une sœur ou une nièce ?), aurait mis au monde le troisième enfant.
© El Sidrón Research Team Une mandibule, un os de la hanche et un péroné néandertaliens trouvés à El Sidrón.
Des études d'ADN nucléaire seraient nécessaires pour affirmer ces relations de parenté. Quoi qu'il en soit, il semble que le groupe avait un comportement dit patrilocal, commun aujourd'hui : les femmes quittaient leurs clans pour intégrer ceux de leurs conjoints. Enfin, l'âge des deux jeunes frères suggère qu'ils sont nés à trois ans d'intervalle, un écart comparable à celui observé dans les populations de chasseurs-cueilleurs modernes.
Ces conclusions reposent cependant sur l'hypothèse que les individus sont morts en même temps. Cependant, il reste possible qu'ils soient décédés à différentes époques rapprochées, il y a environ 49 000 ans, et que ce soit la géologie qui ait provoqué leur rassemblement dans les sédiments de la galerie, donnant l'apparence d'un seul groupe contemporain. L'étude géologique montre en effet qu'une galerie supérieure où se seraient trouvés les corps s'est effondrée dans la galerie des Ossuaires où ils se trouvent aujourd'hui, les recouvrant alors de terre et de cailloux. Mais C. Lalueza-Fox et ses collègues ne croient guère à cette hypothèse, notant que « l'accumulation récurrente au cours du temps d'individus victimes de cannibalisme et qui étaient apparentés par la lignée maternelle semble moins plausible ».
Pour en savoir plus
C. Lalueza-Fox et al., Genetic evidence for patrilocal mating behavior among Neandertal groups, PNAS, vol. 108, pp. 250-253, 2011.
L'auteur
Ces gens ont-ils été vraiment cannibalisés ou ont-ils subi des funérailles en plusieurs étapes, avec nettoyage des os après cuisson pour les mieux décharner sans qu'ils soient consommés, comme cela s'est parfois vu chez certains peuples dits traditionnels ? Et s'ils ont été cannibalisés, étaient-ils d'une tribu rivale, ceux qui ont fait ça, ou bien de la même bande, mais il faisait faim, alors on a éliminé la famille la plus faiblarde... La dernière hypothèse est quand même franchement horrible, même si ce type de comportement s'est déjà vu chez les hommes modernes... C'est vrai que autres temps, autres mœurs, mais tout de même, c'est franchement rude pour cette malheureuse famille ! S'il s'agit d'une scène cannibalique causée par un autre clan, ou même la même tribu, quel effroi ont-ils dû vivre, les malheureux ! Voir leurs semblables se tourner contre eux et les considérer dorénavant comme le casse-dalle du jour... Et les gamins ? C'est vraiment terrible, ça, de manger des gamins ! Nos ogres de contes de fées ont peut-être une bien lointaine origine et ils ont laissé un souvenir inconscient... Certes, ce n'était qu'un être humain avec des qualités et des défauts, des faiblesses et des forces, comme nous, Néanderthal, mais là, on peut dire qu'il a fait très fort ! Aussi bien que certaines tribus plus récentes... C'est le côté sombre de l'humain et de son histoire... Et ce côté-là, on aimerait bien qu'il n'ait jamais été découvert...Jean-Jacques Perrier est journaliste à Pour la Science.
2 commentaires:
En même temps, on a toujours imaginé dans nos écrits une tribu particulièrement féroce n'hésitant pas à massacrer des groupes issus d'autres tribus et effectivement des familles. La réalité rejoint tristement la fiction sur ce coup-là !
Une tribu féroce et CANNIBALE, bien sûr !
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