samedi 1 janvier 2011

Fruits et légumes cuits au menu de Neandertal - LeMonde.fr

type="text/html" width="640">uits et légumes cuits au menu de Neandertal - LeMonde.fr
Article en lien ci-dessus reproduit in extenso ci-dessous. Quelques précisions précieuses ont été apportées par Marylène Patou-Mathis dans cet article qui éclaire on ne peut mieux l'image du mythique ancêtre. Merci, Marylène !!! 
Récit

Fruits et légumes cuits au menu de Neandertal

LEMONDE | 31.12.10 | 17h12  •  Mis à jour le 31.12.10 | 17h12
Illustration pour la couverture de l'édition jeunesse d'Ao, le dernier Néandertal, le roman de Marc Klapczynski, aux éditions Aubéron. © Emmanuel Roudier.

A chaque découverte des gratteurs de fossiles, l'homme de Neandertal, notre lointain cousin disparu voilà 30 000 ans, se rapproche un peu plus de nous. Etude après étude, ses oripeaux de rustre mal dégrossi, grand dévoreur de viande aux manières primitives, tombent en lambeaux. Laissant apparaître un homme différent mais, sur bien des plans, pas moins "civilisé" que Sapiens. Auquel, on le sait depuis peu, il a du reste transmis par croisements une petite partie de son patrimoine génétique.
Le travail d'une équipe de paléoanthropologues de Washington et de Panama, publié dans les comptes rendus de l'Académie des sciences américaine (PNAS) du 27 décembre, apporte une nouvelle pierre à cette réhabilitation. Il montre que Neandertal, tout comme l'homme moderne, se nourrissait aussi de plantes et de fruits. Mieux encore, qu'il les cuisait. Et que ces pratiques impliquaient une grande faculté d'adaptation.
Notre parent archaïque a longtemps été réputé avoir une alimentation presque exclusivement carnée, que lui fournissait la chasse des grands mammifères. Il ne goûtait guère, pensait-on, le petit gibier (plus difficile à capturer), les poissons et les coquillages, ni, surtout, les végétaux. Ce régime peu diversifié est l'une des explications parfois avancées pour expliquer pourquoi, après avoir peuplé l'Europe et une partie de l'Asie pendant près de 300 000 ans, il s'est lentement effacé devant l'homme moderne - c'est-à-dire nous -, capable de tirer davantage de calories de son environnement.
Des indices de l'utilisation de végétaux avaient déjà été repérés sur plusieurs sites néandertaliens. Sans que leur présence dans les sédiments puisse être formellement associée à leur consommation.
Cette fois, les chercheurs ont trouvé des témoins irréfutables : sept dents (trois molaires, deux prémolaires, une canine et une incisive) appartenant à trois squelettes retrouvés dans deux dépôts de restes néandertaliens bien connus. Le premier en Irak, dans la grotte de Shanidar, sur les contreforts des monts Zagros. Le second en Belgique, dans la grotte de Spy, dans la province de Namur. Deux sites dont les ossements sont respectivement datés de 46 000 et 36 000 ans.
Ces dents sont couvertes de tartre (ou calcul) et, décrivent les auteurs, ces dépôts calcifiés sont de très efficaces pièges à particules alimentaires microscopiques, parfaitement conservées. De minuscules fragments de ces plaques dentaires ont été prélevés, passés dans une microcentrifugeuse et examinés au microscope. Résultat : ils recèlent des grains d'amidon et des phytolithes (concrétions de cellules végétales) provenant de différentes plantes, graines et fruits. On y trouve notamment des résidus de dattes, de légumineuses, de graminées (dont des variétés proches de l'orge actuel et du sorgho), ainsi que de rhizomes (partie souterraine de la tige) de nénuphars.
"On savait déjà, par les analyses biochimiques, que les néandertaliens - comme d'ailleurs les premiers Sapiens - se nourrissaient principalement de viande, mais pas uniquement. Aucun individu n'a une alimentation à 100 % carnée", commente Marylène Patou-Mathis, archéozoologue au Muséum national d'histoire naturelle de Paris et spécialiste de l'alimentation préhistorique. Mais c'est la première fois qu'est apportée une preuve directe que les végétaux figuraient aussi au régime de ces omnivores.
Ce n'est pas tout. L'inspection dentaire montre que beaucoup de ces résidus ont subi des transformations dues à une cuisson. Les végétaux, pensent les auteurs, devaient être bouillis dans l'eau plutôt que grillés sur les braises.
Pour Marylène Patou-Mathis, il ne s'agit pas d'une surprise : "Neandertal maîtrisait le feu et les ossements animaux retrouvés dans de nombreux foyers attestent qu'il savait cuire la viande", rappelle-t-elle. La démonstration est faite qu'il procédait de même pour l'accompagnement de légumes.
Ces conclusions sont d'autant plus marquantes qu'elles proviennent de deux sites géographiquement très éloignés, aux contextes environnementaux et climatiques différents. Et de deux groupes de néandertaliens bien distincts, l'un proche-oriental, l'autre occidental. Elles appellent bien sûr une certaine prudence, trois individus et sept dents ne constituant pas un échantillon représentatif de toute une population.
Pour les auteurs, il est clair néanmoins que Neandertal faisait preuve de "sophistication" dans son régime et "consacrait du temps et de l'énergie à préparer des aliments à base de végétaux, pour les rendre plus comestibles et améliorer leurs qualités nutritionnelles". La cueillette de ces différentes plantes nécessitait, en particulier, des déplacements saisonniers de campement, comme l'exigeaient aussi les migrations des animaux sauvages. Si bien que "l'exploitation de ces espèces végétales ne serait pas une stratégie nouvelle développée par les premiers hommes modernes, devenus par la suite cultivateurs".
Reste alors, puisque leur alimentation n'est pas en cause, le mystère de la disparition des néandertaliens. Pour Marylène Patou-Mathis, ils auraient été victimes d'une démographie insuffisante pour le vaste territoire qu'ils occupaient. Pacifistes et écologistes avant l'heure, respectueux peut-être d'une "cosmogonie" qui les rendait peu combatifs, ils se seraient repliés devant l'avancée de Sapiens, jusqu'à s'éteindre. Protéines végétales ou pas.
Pierre Le Hir Article paru dans l'édition du 02.01.11
Comme me l'a si bien dit Marylène Patou Mathis avec un humour redoutable, via un commentaire sur Facebook où je parlais déjà de cette information, les Américains apprennent aux Français des tas de trucs sur la préhistoire !
Or, en matière de Néanderthaliens l'éminente scientifique pourrait largement leur en remontrer, et heureusement qu'elle a précisé certains points de détail sur cette "nouvelle" qui n'en est pas vraiment une, aux gens du Monde et partant à tous les lecteurs qui veulent bien s'intéresser à la Préhistoire et à cet ancêtre-là en particulier qui, au fur et à mesure s'avère de plus en plus notre proche, notre frère d'outre-temps, quelqu'un d'intelligent, et qui manque au paysage, même si les découvertes récentes le ressuscitent virtuellement pour lui donner enfin un visage pleinement humain ! Un humain si proche et si différent en même temps, mais sûrement quelqu'un qui devait être très intéressant à connaître et à rencontrer à l'époque de son vivant ! Merci encore, le Monde et Marylène Patou-Mathis !   

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