Il y a peu, j'ai été inspirée par la jolie dédicace que Manu avait faite à mon amie Mimi d'un des personnages de sa saga "Néandertal", une charmante jeune fille très mignonne et aimable du nom de Kushti que je ne résiste pas à remettre ici pour illustrer la chose.
Donc, j'ai envoyé à Emmanuel ce texte inspiré par la belle image ci-dessus, et voici notre échange de courriels :
De ma part :Cher Manu, inspirée par la dédicace très jolie que tu as faite à Mimi, voilà ce que j'ai commis. L'histoire de Kushti la Douce, qui, je l'espère te plaira.
C'est vrai que cette petite jeune fille est charmante, et c'est un personnage aussi attachant que Laghou. D'ailleurs, on se demande un peu de quel OVNI ils sont tombés tous les deux, quand on voit les grandes brutasses parmi lesquelles ils ont grandi, les pauvres !
Bonne lecture et à bientôt ! Réponse d'Emmanuel :
Bonjour Tinky ! Merci pour l'envoi de ce texte que j'ai encore pris plaisir à lire (hier seulement !)
Cette fois encore tu as eu quelques petites intuitions amusantes (Kushti est bien la fille du Ghoïbu, par exemple). Cette fois encore le tout est bien tourné et bien rythmé ! Mais d'où sors-tu cette farouche Zaïa ? D'une de tes histoires avec Mimi ?
Je ne sais pas encore si je mettrai ce texte en ligne sur mon blog un de ces quatre mais ce n'est pas exclu. Bien entendu, tu peux le publier sur ton site avec ma bénédiction.
A bientôt !
Evidemment, je lui ai envoyé une aimable réponse pleine de remerciements, ce qui est la moindre des choses !
Alors, voici donc encore une histoire préhistorique, grandement inspirée par l'univers et les personnages d'Emmanuel Roudier, qui, je l'espère, vous plaira autant qu'à lui et Mimi !
Kushti la Douce.
Dans l’antre du Ghoïbu.
La petite fille blonde aux yeux de soleil écoutait ses parents discuter près du foyer. L’homme était un solide gaillard, vieillissant, mais doux et paisible, et sa femme, sa mère, une femme aux cheveux grisonnants, mais sagace et bonne. Tous deux l’aimaient tendrement, et ils avaient de grands espoirs pour elle et son avenir.
Elle vivait un peu à part des autres enfants du clan. Son père, le Ghoïbu, était le sage du clan, la Voix des Esprits, le Gardien des traditions et des légendes. Sa mère, Ikaméki, avait un savoir de guérisseuse émérite, qu’elle tenait de sa propre mère, dans le clan du Lynx dont elle était originaire. Le Ghoïbu du clan de l’Ours, avec qui elle vivait depuis de longs printemps à présent, était venu un beau jour, lors de l’un de ces voyages initiatiques que font tous les chamans.
Ikaméki était alors jeune et avait elle aussi ce pouvoir de parler aux Esprits qui lui répondaient. Mais elle savait, en plus, les pouvoirs des plantes qui nourrissent, guérissent ou tuent. Elle voyait le mal, et elle savait le chasser, parfois rien qu’en tendant les mains au-dessus des blessures, des brûlures, des entorses, etc…
Le Ghoïbu, cet homme jadis nommé Alghar du Clan de l’Ours de la tribu des Torses Rouges, devenu chaman, avait été fasciné par la rousse jeune femme dès qu’il l’avait vue. Ikaméki était non seulement très sage, mais elle était fort belle aussi, et les Esprits la suivaient. Ils l’aimaient, la protégeaient et l’aidaient bien souvent.
À l’âge qu’elle avait, et en raison de sa grande beauté, elle aurait déjà dû avoir un compagnon et des enfants. Seulement, son don effrayait et intimidait les chasseurs qui se tenaient à prudente distance de la belle jeune fille.
Mais Alghar, lui, était, comme elle, chaman. D’une manière différente d’elle, mais lui aussi, les Esprits lui parlaient. À travers les pierres et le bois, les plantes, les animaux. Il pouvait faire des merveilles avec ses mains, inspiré par des puissances impalpables que lui seul savait discerner dans la matière.
Et les deux jeunes gens tombèrent amoureux au premier regard. Le chef du clan du Lynx les unit donc, regrettant un peu le départ de sa plus jeune fille pour le clan de L’Ours, mais il savait que l’union qu’il venait de contracter avec ce clan, au travers de sa fille Ikaméki et d’Alghar, allait augmenter son prestige d’une manière fantastique. Alors, il accepta cette union, et les deux jeunes gens vécurent pendant deux printemps parmi le clan du Lynx, Alghar apprenant à nombre de jeunes gens à maîtriser la pierre et le bois, et Ikaméki donnant de précieux remèdes à qui les nécessitaient.
Pourtant, Alghar et Ikaméki n’étaient pas heureux. Aucun enfant ne voulait naître du ventre de la jeune femme. Et pourtant, ils priaient tous deux les Esprits, Ikaméki prenait des herbes dont on savait qu’elles permettaient aux femmes d’avoir plus facilement des enfants, rien n’y faisait. Elle demeurait aussi stérile qu’une pierre.
Or, Alghar aimait Ikaméki, et il ne voulait pas d’une autre compagne au ventre fécond. Ikaméki le comprenait, comme il la comprenait, elle. Et ils priaient les Esprits, intensément, espérant, vainement, un miracle.
Le Rassemblement.
Au printemps suivant, le clan du Lynx allait rejoindre d’autres clans de la tribu des Torses Rouges, et même des clans de tribus différentes, afin d’échanger des savoirs, des peaux de bêtes, des outils, des pierres, et bien d’autres choses encore. Au cours de ces Rassemblements, des rencontres avaient lieu, des alliances étaient nouées, des romances naissaient et des promesses étaient faites.
En se promenant parmi les tentes érigées çà et là, Ikaméki et Alghar croisaient parfois des amis, avec qui ils discutaient un moment, et soudain, lors de leur promenade paisible parmi ces gens de toutes sortes, ils se figèrent, glacés.
Une petite fille, à peine sevrée, nue, pleurait dans la neige ! Ikaméki et Alghar sentirent leurs cœurs fondre devant la détresse évidente du petit être sans défense qui plus est couvert de bleus et d’écorchures, à leur grande horreur ! De plus, elle était d’une maigreur effrayante, et sa vie semblait ne plus tenir que par la volonté des Esprits ! Effaré, Alghar pénétra dans la tente la plus proche et demanda si on savait à qui appartenait cette enfant qui semblait bien maltraitée et malheureuse.
De la tente sortit une virago au visage aussi avenant que Paovorn atteint de rage subite, qui leur déclara que de cette bouche inutile, elle n’en voulait plus, et que s’ils voulaient l’en débarrasser, elle ne dirait pas non ! Ikaméki et Alghar s’entreregardèrent, interdits. La femme venait d’une tribu lointaine, et pour ainsi dire personne ne la connaissait, tout comme son compagnon, une grande brute couverte de tatouages qui n’avait pas l’air commode, et qui asséna à sa femme un méchant coup de poing pour la faire taire sous les yeux interloqués des deux Torses Rouges cois.
«- Peuh, cette femelle enragée m’a donné deux mains d’enfants, mais elle ne sait pas s’en occuper, et ce sont d’autres femmes de mon clan qui le font… Celle-là, c’est la dernière, et je voulais la garder avec nous, mais cette hyène enragée la maltraite… Alors, emmenez-la avec vous, cette petite, je crois que ce sera le seul moyen pour que les Esprits ne l’emportent pas Maïa sait où ! dit le grand gaillard, l’air sombre et les yeux singulièrement brillants.
- Mais, chez nous, quand un homme et une femme ne s’entendent pas, ils se séparent ! fit Alghar, éberlué.
- Oui, mais pas dans mon peuple… Hélas ! Et pourtant, entre Zaïa et moi, c’était bien parti. Nous nous aimions ! Mais visiblement, elle n’était pas faite pour avoir des enfants et les aimer ! Alors, emmenez avec vous cette petite, et occupez-vous en ! Je sais qu’avec vous elle sera heureuse et aimée ! dit le solide bonhomme, tristement.
- Mais… Et que veux-tu en échange ? proposa Alghar.- Rien ! Aimez-la et protégez-la, c’est tout ce que je vous demande ! Moi, j’ai trop honte d’avoir épousé un tel monstre qui n’aime pas les enfants !».
Et Ikaméki prit sa cape de fourrure et en enveloppa la petite fille qu’Alghar prit contre lui et ramena, suivi de sa compagne, dans leur tente.
Ils lui donnèrent à manger et lui préparèrent une petite litière garnie de chaudes fourrures dans lesquelles elle ne tarda pas à s’endormir, cependant qu’Ikaméki regardait dans ses peaux et fourrures si elle en trouvait d’assez jolies pour composer à la petite fille une garde-robe chaude et confortable.
Alghar, de son côté, appelait sur l’enfant la protection et l’aide des Esprits afin qu’elle survécût, malgré sa faiblesse et les mauvais traitements qu’elle avait subis.
Ils la présentèrent, le lendemain, au chef du clan du Lynx, le père d’Ikaméki, le brave Ourzosbraugo, la petite fille miraculeuse, et le vieil homme, attendri et apitoyé, décida qu’Alghar et Ikaméki adopteraient l’enfant que les Esprits leur avaient en quelque sorte donnée. Ils la nommèrent Kushti, la Douce, à cause de ses yeux et de ses cheveux de miel.
Retour.
À la fin du Rassemblement, Alghar manifesta le souhait de revenir parmi les siens, au clan de l’Ours, et Ourzosbraugo ne refusa pas. Alghar revint donc avec compagne et enfant, rejoindre enfin les siens après plus de deux années d’absence.
Mulghar, le frère du Ghoïbu, un rude gaillard fort comme un ours, accueillit son frère et sa petite famille avec étonnement mais plutôt content de le voir revenir. En effet, de nombreux jeunes gens avaient besoin du savoir du Ghoïbu pour apprendre à fabriquer armes et outils, et celui-ci, durant son absence, avait manqué à tout le monde, d’autant qu’il y avait eu trois morts, quatre naissances, et plusieurs accidents.
Le Ghoïbu retrouva donc sa grotte haute, et y installa confortablement les siens, après l’avoir nettoyée, car durant son absence, plusieurs bêtes de petite taille l’avaient investie et s’y étaient installées ! Dans les grottes basses, le reste du clan continuait sa vie, et ça criait, ça riait, ça se bousculait, ça se houspillait sans arrêt. Ah oui, le clan de l’Ours était bien plus rude que le clan du Lynx, où tout le monde vivait en harmonie et paisiblement ! Mulghar était un homme rude, et il traitait durement les siens. Il exigeait d’eux l’excellence, et lui-même ne s’octroyait aucune faiblesse, aussi ne comprenait-il pas que d’autres en eussent.
Ce qui était pourtant le cas de son dernier-né, Laghou, petit avorton boiteux qu’il malmenait, tout comme ses frères plus âgés ! Indigné par cet état de faits, Alghar proposa à Mulghar de prendre Laghou avec lui, comme élève et apprenti, pour qu’il soit le Ghoïbu plus tard, même s’il ne pourrait jamais être un grand chasseur en raison de sa claudication.
Laghou.
Mulghar et Maabh ne refusèrent pas, et Laghou vécut à son tour dans la grotte haute, au-dessus de toutes les tracasseries qu’il avait subies jusque là, ses morveux de frères et les autres chasseurs étant tenus à distance et en respect par la peur que leur inspiraient les deux chamans qui vivaient là-haut.
Le petit garçon taciturne, aux yeux de glacier, s’ouvrit enfin et devint un gentil gamin souriant et calme, qui ressemblait d’ailleurs, de manière étrange à son oncle, le Ghoïbu, dont il avait la sagacité profonde et la gentillesse.
Alghar et Ikaméki passaient de longs moments à tenter de redresser ses jambes torses à l’aide de patients et longs massages et d’onguents divers, de prières aux Esprits, aussi, et Laghou peut enfin marcher, mal, et en boitant, mais tout de même un peu mieux que quand ils l’avaient recueilli. Par contre, le petit garçon avait un sens de l’observation aigu, une excellente mémoire, et il était adroit de ses mains. Il aimait tirer des formes des pierres et du bois, tresser les herbes et les racines, les tendons aussi, il apprit à connaître les secrets des pierres de nuit et de sang, et à les utiliser pour se peindre la peau ou pour traiter cuirs et peaux des vêtements.
Et puis, il y avait Kushti. Kushti de miel et de soleil, tout aussi sagace et paisible que lui, qui était une des rares à ne pas rire de lui quand il marchait de manière malhabile en se balançant comme un ours, Kushti au rire de cristal, et au cœur immense.
Tous deux grandissaient, un peu à part des autres enfants, et ils ne les voyaient que quand ceux-ci venaient chez le Ghoïbu pour apprendre bien des choses, de manière plus ou moins heureuse. C’est ainsi que Laghou retrouva ses frères, l’aimable Kozamh, qui devint leur défenseur, à Kushti et lui, et le détestable Feydda, qui avait asservi, sous son autorité sournoise, Gohour l’imbécile et Huor le grand lâche qui ne rataient jamais une occasion de les maltraiter dès qu’ils le pouvaient, Kushti et lui.
Et les frères de Laghou, l’un après l’autre, devinrent des hommes, ramenant triomphalement des gibiers respectables dans le clan. Et quand Laghou devint un jeune homme, et que ce fut son tour de prouver sa valeur, il ne ramena au camp qu’un misérable lagopède qu’il avait eu à la fronde !
Cela évidemment réduisit son peu de prestige à néant, et il continua d’être le souffre-douleur de tous. Sauf de certaines femmes, et de Kushti en particulier, en qui une flamme étrange s’était allumée au fur et à mesure que le temps passait, et qu’elle connaissait de plus en plus Laghou.
Un beau jour, elle s’ouvrit de ses sentiments au jeune homme qui lui fit remarquer que leur amour était impossible, puisqu’ils étaient du même clan, tous les deux ! Alors, le cœur brisé, Kushti repartit dans la tente des femmes, qu’elle avait rejoint quand elle était devenue une jeune fille.
Et c’est peu après que Laghou partit, pour venger Mulghar mort sous les sabots de LongueBarbe, tout comme Kozamh, qui aurait dû lui succéder comme chef, et que le même LongueBarbe avait encorné ! Suite à la trahison de Feydda, de ses lâches de frères et des autres chasseurs, selon Laghou, mais le jeune boiteux était parti à l’aventure, pour ramener les preuves de ce qu’il disait, une arme pour pouvoir venger son père et son frère, et bien d’autres choses…
Et là, l’immonde Feydda, devenu le chef du clan de l’Ours de la tribu des Torses Rouges était revenu, l’air mauvais, et il avait jeté, aux pieds de Maabh et de Kushti, l'arme mystérieuse, le « Cristal de Chasse », que Laghou ramenait, finalement, chose incroyable, dommage qu’il fût mort, attaqué par un lion, sur le chemin du retour… Feydda et ses frères, profondément désolés, avaient vu le corps démembré et décharné du malheureux, que le Ghoïbu enterrait de loin, dans la toundra !
Le secret.
Mais quelque chose dans l’âme de Kushti se révoltait contre cet état de faits. Quelque chose lui disait que le gentil Laghou n’était pas mort, et qu’ils se retrouveraient, qu’elle et lui seraient unis, même clan ou pas !
Un beau jour, elle pressa Ikaméki de lui raconter toute la vérité sur ses origines véritables. La vieille guérisseuse lui raconta donc tout, et Kushti crut en mourir de bonheur. Si Laghou revenait, elle pourrait être sa compagne !
Mais en attendant, elle avait fort à faire pour éloigner d’elle Feydda qui la trouvait à son goût, bien qu’il ait eu, quelques lunes plus tôt, une étrange compagne venue d’une tribu de cannibales qui était d’ailleurs repartie et bien qu’ils fussent censés être du même clan, elle et lui !
Et, pour ce faire, elle regagna la haute caverne, ce avant d’aller chercher le Ghoïbu dans la toundra, pour mettre le plus de distance possible entre elle et Feydda qu’elle redoutait.
Les Esprits étaient de son côté, elle le savait, et ils la protégeaient.
1 commentaire:
Un charmant personnage fort bien mis en image; merci de partager!
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